Gravures en Vallouise : Paysages de neige et de glace 1830-1860
En 1830, la photographie fait ses premiers pas avec Niépce et Daguerre. Et curieusement une des premières héliographies, première technique d'impression d'images mise au point par Nicéphore Niépce en 1825, est la reproduction d'une... gravure du XVIIe siècle.
Pendant ce temps, de nombreux peintres et dessinateurs venaient dans les Alpes du Sud et particulièrement dans le Pays des Ecrins et en Vallouise, afin d'en rapporter des esquisses des paysages et des villages traversés. Des français, comme Cassien et Debelle dans les années 1830, Sabatier vers 1850, ou des anglais, comme Bartlett et Brockedon vers 1830, vinrent poser leurs pas dans ceux des Vaudois ou protestants des Hautes-Alpes, avec l'idée de magnifier les ruines de l'ancienne France et de leur donner un sens.
Parmi toutes ces gravures, conservées aux archives départementales des Hautes-Alpes, certaines, rares, montrent des paysages de neige et de glace.
Une exposition d'une dizaine de ces gravures imprimées en grand format proposée par l'Office de Tourisme et Olivier Joseph, historien, accompagnées de jeux pour les enfants et de livrets explicatifs, s'est tenue cet hiver de février à fin avril, dans la chapelle des Pénitents de Vallouise.
Voici un aperçu de cette exposition... en quelques photos.
Cassien et Debelle, deux artistes grenoblois, participent au grand mouvement des "itinéraires pittoresques" qui voient des historiens, des romanciers -Victor Hugo, Prosper Mérimée - et des artistes représenter les ruines de l'ancienne France, avec pour ambition, l'idée d'en préserver la mémoire et de les sauver. En Oisans et Briançonnais, peu de ruines, mais des villes et des villages, avec les hautes falaises et les puissantes cascades de la Vallée de la Romanche.
Les ruines de l'ancienne France sont aussi des paysages humains et sur cette vue du village de Livet (vallée de la Romanche), on peut voir un paysan avec ses vaches et un marcheur transi de froid...
Château-Queyras, château médiéval restauré par Vauban, est posé sur un piton rocheux qui domine le Guil. Il est un des monuments les plus représentés dans les gravures des Alpes du Sud du XIXe siècle, mais celle de Victor Cassien est la seule à le représenter sous la neige.
Cette gravure de Cassien est exceptionnelle : on y voit un groupe d'une vingtaine d'enfants glissant sur des luges, avec des détails surprenants compte tenu de la petite taille de ces gravures.
William Brockedon : Le col du Stelvio (2758 m) : Le personnage accompagné de son chien n'est autre que Brockedon qui aime se glisser dans ses gravures...
On voit que des rambardes de bois ont été installées afin de garantir la sécurité des voyageurs. Ces cols sont en effet fréquentés en toute saison par des militaires, des juristes, des percepteurs d'impots, des clercs et des marchands...
Léon Sabatier : Le glacier de La Grave. Cette vue est exceptionnelle à une époque où on ne parle pas encore d'alpinisme dans le Massif des Ecrins. Elle montre deux hommes dont l'un admire les séracs du glacier et l'autre est courbé de fatigue. la précision de la gravure atteste la présence de Léon Sabatier sur le glacier vers 1850...
Léon Sabatier : Exagérément étirée en hauteur, voici la plus ancienne représentation du Pré de Madame Carle connue, où on peut voir la confluence des glaciers Noir et Blanc, qui n'existe plus depuis 1870.
Edward Whymper : Le pasteur Felix Neff prêchant dans la vallée de Freissinières (détail). Essentiellement connu pour ses exploits d'alpiniste, Whymper est d'abord un dessinateur et un graveur sur bois réputé. Comme de nombreux anglais visitant les Alpes au XIXe siècle, Whymper est membre d'une Église non-conformiste dissidente de l'Anglicanisme. Il est Baptiste. Socialement bloqués par le fait qu'ils ne sont pas anglicans, ces représentants de la classe moyenne éduquée, viennent chercher dans les Alpes une reconnaissance à laquelle ils aspirent dans l'exploration géographique, la mission évangélique, les exploits sportifs...
La Chapelle des Pénitents et ses peintures murales du XIXe siècle.
Mes remerciements vont à Olivier Joseph pour ce travail remarquable de recherhe, d'explication et de présentation de ces oeuvres.