Corbillards et brancards : un dernier voyage ?
Ici, on commence à être habitué, entre Halloween et Toussaint, on va au cimetière tous les ans...
Tous les ans ? Non !
Cette année nous allons visiter les corbillards qui dorment dans des lieux insolites. Ou pas.
Mais savez-vous d'où vient ce mot curieux, "corbillard" ? qui pour moi est noir. Noir comme un corbeau, il sonne comme une tombe...
Emile Littré nous dit que le d final ne se prononce pas pas plus que le s, mais que certains disent "corbillards-z-et chevaux". Eh oui, les corbillards que nous allons visiter aujourd'hui étaient tirés par des chevaux... ou des mules. Et l'on prononce kor-bi-llar, ll mouillées, et non cor-bi-yar . Vous suivez ? Cette prononciation ll mouillées est pour moi un peu vieillotte... On y est : le corbillard, les chevaux... les femmes en voile noir, le glas...
Littré nous dit encore : Corbeil. Dans une gravure d'Iswelinc, qui représente le plan de l'île Saint-Louis et des deux ponts, avec les rues projetées et exécutées vers 1618, on remarque sur la Seine un coche d'eau, nommé corbillac, parce qu'il faisait le trajet de Paris à Corbeil. Richelet écrit conformément à l'étymologie, corbeillard. Et Wikipedia d'ajouter : Lors de la grande épidémie de peste, ces bateaux servirent à évacuer les morts et le terme resta aux véhicules funéraires.
Saint-Jean de Crots
Le corbillard ancien pouvait être, selon la taille des communes ou des paroisses, et en fonction de l'importance du rituel funéraire, soit une simple charrette à bras, poussée ou tirée par des hommes, soit un véhicule plus important, à quatre roues, avec un baldaquin plus ou moins orné, tiré par un ou plusieurs chevaux. Le corbillard était, dans les pays occidentaux, peint en noir, couleur du deuil, avec éventuellement des ornements blancs (croix, larmes, etc.), argentés ou dorés. Le corbillard et les ornements blancs étaient parfois utilisés pour les jeunes enfants.
Dans le beau hameau de Saint-Jean, on a restauré les trois crobillards du village et on les a entreposés près du cimetière.
Charron, sellier-bourrelier, forgeron, menuisier-carrossier, ornementiste-ferblantier, passementier, tapissier, peintre... voici tous les métiers nécessaires à la construction d'un corbillard et aussi à sa restauration. Celui-ci est à 4 roues. Les obsèques étaient grandioses : le curé avec sa cape, le ou les enfants de cœur en surplis, dont l’un portait un bénitier et son goupillon. Selon la classe, on avait plus ou moins de chevaux, plus ou moins de pompons, de broderies en fils d’argent sur le noir... Et les ménagères allaient ramasser le crottin sur la route, pour le jardin...
Celui-ci est une simple luge sur laquelle on posait le cercueil, pour ceux qui avaient l'indélicatesse de mourir en hiver...
Certains n'ont que deux roues, pour les autres. Les pieds devant, d'accord, mais sans les chaussures ! Sur le chemin, les personnes qui se reconnaissent, se signent et les autres, par respect, se découvrent. Selon que l'on avait l'esprit religieux ou pas, on disait du moribond qu'on lui apportait le Bon Dieu ou qu'on venait lui cirer les bottes pour le grand passage...
"C'est l'association ASPEC qui a entrepris cette restauration de ces corbillards, m'écrit un visiteur. Cette restauration a duré plusieurs années. Il a fallu non seulement remettre en état ces corbillards (celui du chef lieu, celui de St Jean et enfin, celui de la Montagne, hameau le plus élevé, où les roues étaient remplacées par des patins) mais aussi leur construire un abri pour les protéger des outrages du temps. De très nombreux bénévoles y ont contribué et un panneau adossé à l'abri donne aux passants et randonneurs quelques éléments historiques."
Nous sommes dans les combles de la caserne Rochambeau de la place forte Mont-Dauphin où l'espace fabuleux permet d'entreposer des mobiliers, charettes en tous genres, luges et ramasses, barattes. Ce corbillard est celui de Guillestre. Si on pouvait refixer le dai dans le bon sens ?
On admire en passant la fabuleuse charpente à la Philibert Delorme construite au XIXe siècle et restaurée plusieurs fois, la dernière en 2015.
À Val-des-Prés, on a rangé notre corbillard avec la voiture-incendie, comme ça, en attendant... En attendant que menuisiers, charrons, forgerons, passementiers, et peintres viennent lui donner une seconde vie. Une seconde vie à un corbillard ? Hmmmm...
On trouve aussi parfois des brancards mortuaires dans les églises, ici à gauche, dans la chapelle Saint-Simon et Saint-Jude de La Chapelle, hameau de Saint-Crépin et, à droite, dans l'église de Molines-en-Queyras, où il est adossé au bénitier dans une troublante composition... De l'Alpha à l'Omega.
"Les hurlements du vent couvraient le piétinement du cortège, on avançait tête baissée, le souffle coupé, se fiant pour le chemin à celui qui vous précédait, préoccupé avant tout de ne pas s'envoler. Grand-mère et maman avaient ôté leurs voilettes, grand-père tenait fermement son chapeau à la main, d'autres couraient après un béret ou un foulard. Le corbillard tanguait, tiré par le cheval de monsieur Biloche, ses draperies noires claquaient, s'agitaient comme une nuée de corbeaux autour du corps."
Jean Rouaud, Les champs d'honneur, 1990.
Pour finir, voici un texte de l'association Patrimoine de La Roche-de-Rame qui vous racontera tou sur la mort et l'enterrement en 1940 et avant :
Un_enterrement___la_Roche_dans_les_ann_es_1940_et_avant
Sur ce, prenez soin de vous, allez au cimetière, attestation en poche, ils sont ouverts et feront l'objet d'insolites promenades...