1864-2014 : 150 ième anniversaire de la première ascension de la Barre des Ecrins
Le 25 juin 1864, trois britanniques, Edward Whymper, Horace Walker et Adolphus Warburton Moore, accompagnés de leurs deux guides, Michel Croz de Chamonix et le suisse Christian Almer, atteignent pour la première fois le point culminant du Massif des Ecrins : la Pointe des Ecrins, à 4102 mètres d'altitude. Edward Whymper a 24 ans. Il est illustrateur et graveur et découvre les Alpes en 1860, missionné par un éditeur de Londres pour réaliser des aquarelles des Alpes suisses et dauphinoises, puis en Vallouise à l'été 1861où il fera l'ascension du Mont Pelvoux, encore considéré comme le plus haut sommet du Dauphiné.
L'Argentière-la-Bessée : L'alpiniste britannique Edward Whymper gravissant la Barre des Ecrins - Sculpture en acier corten de Christian Burger
Edward Whymper a raconté son ascension de la Barre des Ecrins dans son livre Escalade dans les Alpes de 1860 à 1868, avec de nombreuses anecdotes, dont celle-ci, qui narre avec humour une nouvelle facétie de ses porteurs, que j'ai eu envie de réécrire en alexandrins et que j'ai appellée :
La part des anges
Il advint que Whymper entreprenne l'abord
De la Barre des Ecrins par la brêche de la Meije
Démarrant de la Grave, depuis les Enfetchores
Il regardait là-haut le glacier sous la neige.
Une mauvaise nuit dans le refuge Rodier,
Et Pic très en retard, sans cigares et sans vin
Apporta les réserves dans le Chatelleret
Et fit perdre à Edward son flegme souverain.
Il fallut pour le vin taper dans les réserves
Du tenancier du gîte, bien maigres cependant
Et la petite troupe se dirigea, en verve
Vers le glacier de Bonne Pierre, étincelant.
C'est là qu'on bivouaqua, de manière sévère.
On pouvait à l'envi admirer dans la brume
Surgissant des nuages, crêtes acérées et fières,
Les hauts pics des Ecrins avec leurs roches brunes.
Le soir on dégusta une soupe brûlante
Que l'on fit refroidir de rasades de vin.
Edward levé très tôt le lendemain matin
Découvrit, étonné, un fait bien surprenant.
Il s'agissait d'un phénomène inexpliqué
Et dans les Hautes-Alpes fréquemment relevé
D'une étrange et courante évaporation :
La sécheresse de l'air pour toute explication.
Il avait suspendu juste avant son coucher
Une outre à un rocher, dans laquelle il avait
Versé religieusement cinq bouteilles de vin
Pensant les retrouver dès le petit matin
Or ce n'était pas moins des quatre cinquièmes
De la gourde d'Edward qui manquaient au matin
Les guides n'ayant vu ni personne ni même
Animal ou oiseau goûter à ce bon vin.
La caravane alors s'ébranla au couloir
Contourna les séracs à droite du glacier
Et arriva enfin, dans un dernier effort
Au col des Ecrins.
L'impossible sommet s'offrait à leur regard
En toute majesté. Après quelques instants
De ce plaisir intense que connaissent souvent
Tous les grands alpinistes, et tous les montagnards,
Ils finirent leur course jusqu'au long glacier blanc,
Où Edward déclara que s'il utilisait
Tout au long de la nuit l'outre en guise d'oreiller,
L'évaporation était pour lors stoppée !
La Barre des Ecrins depuis le Col du Galibier
Du 1er juin au 21 septembre, le Pays des Ecrins fête ce 150e anniversaire.