"Il fait beau, allons au cimetière"
"Des endroits de paix et de silence, avec des statues baroques, des soleils accidentels qui éclairent des tombes fatiguées."
"Il fait beau, allons au cimetière", disait sa grand-mère à Emmanuel Berl (1892-1976), journaliste, historien et essayiste français .
Tout le monde sait bien que c'est du cimetière qu'on a la meilleure vue. C'est ainsi au cimetière de Guillestre.
A Guillestre, il y a deux grands cimetières : le plus ancien, avec son joli vieux mur qui joue à cache-cache avec les cimes toutes proches,
avec ses allées qui descendent vers la ville, et la vue ! La vue sur la vallée, sur le ciel bleu, sur la vie...
Des ferronneries, de vieux genévriers, de grands arbres amis enferment les vieilles pierres...
Une grille qui grince (évidemment) quand on l'ouvre, coincée entre ses piliers de pierre rose de... Guillestre (on n'est pas très loin de la carrière).
Et puis en face, il y a le nouveau cimetière. Un grand mur bien droit, bien lisse, pierres et béton.
Les deux cimetières sont séparées par une rue qu'on a baptisée : "Chemin du Silence". Le facteur n' a sans doute jamais déposé de courrier à cette adresse. C'est pourtant la dernière adresse des guillestrins.
Mais peut-être qu'ici on aimerait bien recevoir du courrier, même si on peut surveiller amis et famille depuis ce jardin de pierres qui surplombe la ville, où les tombes essaient de ressembler à des maisons. Il ne manque plus qu'un peu de fumée pour faire illusion...
Aujourd'hui, jour de Toussaint, vous aurez de la visite et vous serez fleuries, pierres du souvenir. Vous entendrez les conversations des vivants, les rires des enfants, vous sentirez la caresse du balai sur votre surface froide et le parfum des fleurs qu'on déposera sur vous accompagnera votre solitude pendant quelques temps encore, en attendant la neige...
***
14 novembre 2014 : je ne savais pas en allant faire des photos de ce cimetière fin octobre, que j'y accompagnerais Huguette dans son chemin du silence aujourd'hui. Huguette, ta gaieté et ton anti-conformisme, ton écriture et ta malice, tes yeux de lumière, sont dans nos coeurs. Tu nous as offert une dernière danse avec les castagnettes et la voix de Luis Mariano, en virevoltant sur les fenêtres, sur les murs et sur l'autel de l'église, comme un pied-de-nez au ciel que tu trouvais bien trop haut pour toi.
Pour toi, quelques vers de Birago Diop :
Les morts ne sont pas sous la terre
Ils sont dans l'arbre qui frémit,
Ils sont dans le bois qui gémit,
Ils sont dans l'eau qui coule,
Ils sont dans la case, ils sont dans la foule
Les morts ne sont pas morts.