La tulipe de Guillestre - Tulipa platystigma : une beauté rare et éphémère
La voici, c'est la seule, l'unique Tulipa platystigma ou tulipe de Guillestre. C'est une tulipe "sauvage", conservée, préservée dans le jardin de La Maison de la Nature à Guillestre. On la reconnaît à sa couleur rose à lie de vin, ses stygmates aplatis et surtout son coeur d'un bleu profond. Elle cotoie ici d'autres tulipes "sauvages" que l'on peut trouver en Savoie, en Crète, en Asie...
Elle vient de fleurir et on peut lui rendre visite en compagnie de Philippe Gillot, un botaniste passionné, chaque jour à partir de 11h du 27 avril au 12 mai 2019 après inscription à l'Office du Tourisme.
La tulipe de Guillestre fut découverte et décrite en 1866 par le botaniste Alexis Jordan (1814-1897) qui étudia les plantes des Alpes et de Provence.
Signalée une dernière fois en 1884, elle disparut totalement aux yeux des botanistes pendant plus d'un siècle. Toujours connue des gens du pays, sans toutefois qu'ils n'en mesurent la rareté, elle attira l'attention de l'ancien curé de Risoul, André Foy (voir ICI). C'est ainsi que la tulipe de Guillestre fut à nouveau découverte en 1992, grâce aux partenariats de nombreux spécialistes locaux, et notamment du Conservatoire Botanique National Alpin de Gap-Charance.*
La tulipe de Guillestre est une plante endémique, c'est à dire qu'elle ne vit que dans une zone géographique. Elle est donc unique et ne se retrouve nulle part ailleurs.
La tulipe de Guillestre croissait auparavant dans les prairies de fauche et de pâturage. Sa population est maintenant restreinte et elle est inscrite sur la liste rouge des espèces menacées. C'est une partie importante de notre patrimoine local. Afin de préserver les espèces présentes, la reproduction des tulipes se fait uniquement par les bulbes. Depuis 1997, la Maison de la Nature travaille avec le Conservatoire Botanique National Alpin de Gap-Charance sur la Tulipe de Guillestre, sa reproduction dans nos jardins et la sensibilisation du grand public à ce patrimoine unique.*
* http://guillestre.free.fr/html/hautesalpes/tulipe_guillestre.html
La Maison de la Nature abrite ce merveilleux jardin, dans l'enceinte de ce qui fut le château des seigneurs de Guillestre, qui n'étaient autres que les archevêques d'Embrun. Le château fut détruit en 1692 quand le duc de Savoie envahit le Dauphiné par le col de Vars. Il ne reste plus que le colombier qui semble veiller sur les fleurs...
Quelques exemplaires de tulipes sauvages que vous rencontrerez dans le jardin : tulipa sylvestris jaune, de Crête, rose à coeur jaune, la variante jaune et rouge de la tulipe de Charles de L'Ecluse (Carolus Clusius) qui fut le premier à décrire la tulipe introduite en Hollande au XVIe siècle... Au centre la fameuse première tulipe...
Histoire de la tulipe
Tulipes botaniques photographiées dans un petit massif du centre ancien de Guillestre
Même si de nos jours on trouve la tulipe dans presque tous les jardins, qu'elle soit rouge, jaune, blanche, rose, bicolore, perroquet, flammée, frangée... Même si aujourd'hui elles sont toutes cultivées et hybrides, on sait moins quelle fut l'histoire de cette fleur qui déclencha des passions, des spéculations, fabriqua des fortunes, en détruisit d'autres, souffrit de maladies, s'échangea, se porta accrochée au turban, fut choisie comme symbole de pays comme les Pays-Bas et la Turquie.
Lorsque la tulipe, fleur sauvage poussant spontanément au pied de la chaîne de l'Himalaya, arriva en Turquie (la contrée étant sous la domination du vaste Empire Ottoman conquis par le turc Soliman le Magnifique), les fiers sultans eurent tôt fait d’en orner leur tenue. Ils piquèrent une tulipe dans leur turban. C’est ainsi que la fleur reçut le nom de « tulipan », qui signifie turban, car la fleur fermée ressemble au turban de Soliman...
C'est Charles de L'Ecluse (Carolus Clusius) qui la décrit en 1592. Les fleurs deviennent alors un trésor convoité, fleurissant les jardins des riches seigneurs. La tulipe apparait alors dans l'art et devient même "monnaie d'échange", subissant toutes les spéculations et créant ou anéantissant des fortunes ! La Tulipomania est le nom donné à cette effervescence économique, jusqu'à ce que le marché des bulbes s'effondre...
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Et notre tulipa platystigma ?
La tulipe de Guillestre a disparu des prés pendant des années, aujourd'hui encore on ne la trouve plus que dans le jardin de La Maison de la Nature et quelques jardins privés où elle est préservée, cultivée, protégée. Pourquoi a-t-elle disparu des près de fauche ? Probablement parce qu'elle a besoin d'étés secs, ce qui fait qu'elle se plaisait sur des terres arides. mais la pratique de l'arrosage par aspersion aujourd'hui répandue et qui permet de récolter plusieurs fois de suite un foin dense, lui a été fatale...
Les tulipes sauvages portent des feuilles très fines ou ondulées. Les ondulations, augmentant la longueur de la feuille et la rendant plus forte, deviennent autant de petits canaux qui récupèrent la moindre goutte de rosée pour la transporter jusqu'au bulbe. Et d'année en année, le bulbe se multiplie, offrant plus de fleurs... ou pas ! Car la floraison est aléatoire...
Mais ce qui menace le plus cette fleur, c'est une maladie due à un virus qui s'attaque aux pigments et se transmet rapidement. Une fleur qui devient blanche doit être supprimée et le bulbe brûlé. Toutes les tulipes de Guillestre cultivée dans les jardins finissent par attraper cette virose, si l'on n'y prend garde... Faudra-t-il vacciner toutes les tulipes ???
Une floraison de quelques semaines, des fleurs qui s'ouvrent au matin et se ferment au soir, qui font leur photosynthèse par les feuilles en été, période de repos, un jour se fanent pour laisser des fruits remplis de graines.
C'était la belle histoire de la tulipe qui fleurissait librement sur les pentes de l'Himalaya jusqu'à ce que les hommes se chargent de sa notoriété et désirent plus que tout la posséder...
Maison de la Nature des Hautes-Alpes :
Pont de Chagne
BP 16
05600 GUILLESTRE