L'imaginaire d'une forge...et son projet de restauration (La Roche-de-Rame)
La forge en ruine de La Fare à La Roche-de-Rame résonne encore des coups rythmés du marteau des forgerons, des soupirs du grand soufflet hydraulique, de la roue qui l'actionnait et tournait dans le canal d'arrosage qui passait derrière... Du grand feu qui vrombissait, râlait, rugissait...
« Le sieur Jean Baptiste DUC du moulin de la Fare vient aussi de faire construire une forge où il fait fabriquer des clous de toutes les dimensions. C’est au moyen de l’eau qu’il fait aller le soufflet de la forge. » Livre du père Pascallon écrit en 1848. Derrière la porte qui s'est à jamais refermée un jour sur un royaume, celui des Toubal-Caïn, Odin, Ephaïstos, Vulcain... les Dieux de la forge et du feu, la ruine vit ses derniers instants avec tous les souvenirs à l'intérieur, les Jean-Baptiste Bouvet, maréchal-ferrant, Mathieu Falque, maréchal-ferrant, Jean-Louis Eme, forgeron, Hippolyte Cornand, forgeron, Mathieu Kalis, cloutier, Eloi Eme, forgeron et d'autres qui se sont succédés de 1824 au milieu du XXe siècle...
Il ne reste plus que ce vieux fer à cheval qui médite en rouillant.
Déjà les arbres occupent l'espace, escaladent les murs, poussent leurs racines sous la porte, couvrent les trous du toit de leurs branches aux toutes jeunes feuilles vert tendre. La nature renaît, les pierres et les lauzes se confondent, le bois pourrit. La belle forge ne supporte plus le poids des ans, comme une femme qui a vieilli, a perdu l'harmonieuse jeunesse de sa peau, de ses gestes gracieux, usée par l'effet dévastateur du temps, comme par une guerre ou un séisme, mais riche d'une nouvelle sorte de beauté.*
Comme les vieillards qui gardent fixée sur eux à l'état permanent, une de ces expressions fugitives qu'on prend pour une seconde pose et avec lesquelles on essaye, soit de tirer parti d'un avantage extérieur, soit de pallier un défaut* , la forge est devenue un immuable instantané d'elle-même. L'imagination est la reine du vrai, écrit Baudelaire. Un regard suffit à relever cet amas de matière, d'objets, d'outils. Un regard et l'imagination...
Pour faire revivre l'imaginaire d’une métallurgie du fer, d'abord à des fins guerrières, puis pour la fabrication d’outils agricoles, quand le forgeron, le maréchal-ferrant étaient à l'égal du meunier, les représentants d'une élite villageoise. Quand la fabrication de haches pour l'exploitation forestière, de serpettes pour tailler la vigne, de faucilles pour couper les blés, de forces pour la tonte des moutons, de fers pour les chevaux, venaient compléter l'outillage en bois, moins cher, mais moins pérenne.
Si le peintre de ruines ne me ramène pas aux vicissitudes de la vie et à la vanité des travaux de l'homme, il n'a fait qu'un amas informe de pierres. Diderot, Pensées détachées sur la peinture.
Près de la forge, la fontaine-lavoir où une jeune femme lavait son linge ce jour-là.
Le linge coloré qui trempait, l'eau blanche de savon
N'étaient-ils pas seulement l'effet de mon imagination ?
L'imagination est ce qui tend à devenir réel, André Breton.
***
9 décembre 2017
Cette forge n'aura bientôt plus besoin de notre imagination pour se relever de ses ruines. Un projet de restauration a été lancé et fait appel à votre générosité, pour une souscription à la Fondation du Patrimoine. Il vous suffit d'imprimer le bon de souscription et de le renvoyer avec votre chèque à l'adresse inscrite sur le bon ou de payer en ligne à l'adresse internet inscrite également sur le bon. Vous recevrez un reçu fiscal qui pourra vous ouvrir droit à réduction d'impôt sur le revenu.
Voir le site :
***
* :Marcel Proust, A la recherche du temps perdu
Pour aller plus loin :
La forge - Site de Patrimoine de La Roche-de-Rame
Le soufflet, offert par la fille de Monsieur Sarde, dernier propriétaire, à l'association Patrimoine de la Roche-de-Rame (photo du site)