Le pays des fondeurs de cloches Vallier : "Mestié vau barounié"*
Le village de Plampinet (Vallée de la Clarée) a été marqué par une grande famille de fondeurs de cloches : les Vallier. Ils furent fondeurs itinérants, c'est à dire qu'ils allaient fondre "sur place" de 1630 à 1880, seuls ou avec les Barbe ou les Gautier.
Jean Vallier, leur descendant, raconte l'histoire de sa famille, dans son livre Les Vallier de Plampinet, fondeurs de cloches**. La tradition familiale fait remonter l'origine de la fonderie de cloches Vallier aux alentours de 1630. Michel Vallier serait parti en Piémont (qui était alors duché de Savoie), où il apprit d'abord le métier d'horloger. Puis il se serait placé chez un fondeur de cloches, après quoi il revint à Plampinet, muni d'un savoir tout neuf et la tête pleine de projets. La première paroisse qui lui confia la fonte d'une cloche fut celle de Puy-Saint-André (Briançon). Au début tout alla bien. Il fit le noyau, la fausse-cloche et la chape. C'est quand il voulut faire la tête d'anse que son savoir fut mis en défaut. Il faut dire que les anses par lesquelles la cloche est suspendue, procède d'une technique de fonderie dite "à la cire perdue". C'est peut-être là la cause des ennuis de Michel, qui n'avait plus qu'une chose à faire : retourner chez son ancien patron... Ce qu'il fit.
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Suivons les écoliers de Plampinet dans leur visite du patrimoine campanaire de leur village, guidés par Denis Vialette, coordinateur du projet scolaire "Horloges d'Altitude"...
La visite nous emmène d'abord à la chapelle Notre-Dame des Grâces (photographiée ici l'hiver, histoire de se rafraîchir un peu...). Cette chapelle a précédé l’église paroissiale actuelle. La construction de l’église Saint-Sébastien commence en 1510 : c’était la condition imposée par l'évêque pour que Plampinet devienne paroisse.
Sa cloche, fondue en 1761, donne le La. Ornée de rameaux, palmettes et feuillages, du crucifix sur trois gradins (décor fréquent chez les Vallier) et de la Vierge à l'Enfant, elle porte l'inscription : NOTRE DAME DE GRACE PRIES POUR NOUS - Mr MERLIN CURE - VALLIER FECIT 1761.
Deuxième halte devant la maison de Victor Vallier (1814-1885), dernier fondeur de la "dynastie" et 6ème génération de Vallier. Victor était issu de la lignée de François (1644-1709), neveu de Michel, notre fondeur parti en Piémont apprendre le métier. Son fils, Jean-François-Régis, qui avait aidé son père devenu vieux, renonça à poursuivre le beau métier de ses ancêtres. Victor est le fondeur de deux cloches de l'église de Névache.
Continuons par la Rue de l'Ecole...
Saisissons au vol quelques trésors...
Voici ce qu'il reste (muret de pierres) de la maison de François-Pierre (1777-1863), père de Victor, fondeur d'une des cloches de la Cathédrale de Suse en Italie (145 cm de diamètre et 2 tonnes) qui donne un Do.
La voici, photographiée lors d'une autre visite, dans le clocher de la Cathédrale de Suse, Piémont. C'est la plus grosse cloche fondue par cette dynastie. Elle date de 1832. Sur une autre cloche on peut lire les noms de Vallier et Barbe.
On ne peut parler "cloches" sans évoquer l'Histoire de France et en particulier la Révolution, période pendant laquelle, pour fabriquer des canons ou de la monnaie, on fondit les cloches des églises. A Briançon, deux cloches sur trois seront fondues. Mais les Plampinards (habitants de Plampinet), qui étaient rusés et tenaient à leurs cloches, encore plus que d'autres peut-être, cachèrent celles de leur église sous le plancher derrière le porche.
Les voici dans leur clocher. Elles datent de 1731 et 1749. Le clocher vient de faire l'objet d'une restauration. Dominique Dion, horloger-campaniste, partenaire du projet "Horloges d'Altitude" écrit : "Car depuis une cinquantaine d'années, les cloches de Plampinet se sont tues. Seule subsiste la sonnerie des heures, régulière, automatique, terne. Les sonneries régulières qui réglaient la vie du village se sont endormies. Plus d'angélus, de messe, de glas, de carillon, de danger, de baptême, de tocsin, d'incendie... de guide dans la brume ou la tourmente. Qui savait écouter la cloche était informé. La sonnerie du téléphone et ses sms ont remplacé le son des cloches. Les nouvelles vont vite, très vite. Mais la subtilité du geste du sonneur de cloche annonçait aussi la vie du village et le prévenait de toutes les nouvelles. La cloche était au centre de la communauté. Si la cloche était dans le clocher de l'église, elle n'était pas pour autant qu'un objet cultuel."
Grâce à la volonté de Jean Vallier et de l'Association pour la protection du hameau de Plampinet et de son environnement chère à sa présidente, Marie-Thérèse Tétard, on a pu consolider la fixation des cloches qui peuvent sonner à nouveau pour le bonheur des habitants.
La visite continue avec l'horloge mécanique de 1894, signée Arsène Cretin L'Ange à Morbier (Jura). Elle est exposée dans la nef de l'église et a bénéficié d'une restauration à laquelle ont participé des élèves du lycée de Briançon, ce qui permet de la mettre en marche quelques heures.
Visiter le patrimoine des fondeurs de Plampinet sans faire sonner les cloches aurait eu un goût d'inachevé... Les enfants ont eu accès aux cordes qu'ils ont tirées, reproduisant ainsi, le geste du sonneur... Quel privilège !
Et quel privilège d'avoir près de chez soi les riches témoignages d'un passé qui raconte l'histoire d'un village et de ses habitants...
vvv
* : Métier vaut baronnie (François Jouve, écrivain provençal, 1881-1968)
** : Les Vallier de Plampinet et les autres fondeurs briançonnais Barbe et Gautier - Jean Vallier, éditions du Fournel, 2009.
L'horloge et les cloches de l'église de Plampinet
Cette visite qui entre dans le programme d'activités périscolaires de l'école de Névache, a été organisée par Elsa Giraud, dans le cadre de son atelier : "Je dessine mon village, d'hier à aujourd'hui" le 26 juin 2015.