La chapelle Saint Jacques- Prelles-St Martin-de Queyrières (Pays des Ecrins)

On peut la voir, coincée entre deux maisons, au bord de la N94, dans le village de Prelles (Saint-Martin de Queyrières)

Son chevet en cul-de-four signe son style roman... "Très simple, robuste, elle évoque bien une solide montagnarde agenouillée", écrit Gabrielle Sentis dans L'Art du Briançonnais, tome 1, La peinture au XVe siècle.

Édifiée en 1502, elle est située sur le chemin de Compostelle qui part du col de Montgenèvre et du col de l'Echelle, pour ensuite suivre la vallée de la Durance. Elle constitua un refuge spirituel pour les nombreux pèlerins qui passaient par là.

À l'intérieur, les murs et le choeur sont recouverts de peintures datées du XVIe siècle et restaurées en 1955. Le décor peint, véritables "bandes dessinées", sert à rappeler au pèlerin les risques placés sur le cours de sa vie spirituelle, et ceux qu'il peut rencontrer sur son chemin... La Passion et la crucifixion du Christ, l'Annonciation, les évangélistes et les douze apôtres, sont également des thèmes obligés pour les fresquistes italiens qui sillonnèrent le sud-est de la France, et décorèrent les murs et le choeur de cette chapelle exceptionnelle.

Femme je suis, pauvrette et ancienne , 

Ne rein ne sais, oncques lettres ne lus, 

Au moûtier* vois, dont suis paroissienne, 

Paradis peint, où sont harpes et luths, 

Et un enfer où damnés sont boullus**. 

L’un me fait peur, l’autre joie et liesse 

François Villon

* église (du suisse môti, mutru) 

** Bouillis 

Sur le mur de droite, voici les vices et les châtiments. On retrouve ce thème sur plusieurs églises de la région : à Vallouise, aux Vigneaux, à L'Argentière-la Bessée, à Plampinet... Les péchés capitaux sont ici représentés (L'orgueil, l'avarice, la luxure, la gourmandise, la paresse, l'envie et la  colère.) Ainsi que les châtiments, mais pas les vertus, (Humilité, chasteté, largesse, abstinence, patience, charité, diligence), que l'on peut voir à L'Argentière et Plampinet.

 

 

 

Et les châtiments, où l'on constate que l'on est puni par où l'on a péché...

Sur ce mur, à la suite, un portrait de sainte Véronique avec le "voile de Véronique". Véronique était une femme pieuse de Jérusalem qui, poussée par la compassion lorsqu e Jésus-Christ portait sa croix au Golgotha, lui donna son voile pour qu'il pût essuyer son front. Jésus accepta et, après s'en être servi, le lui rendit avec l'image de son visage qui s'y était miraculeusement imprimée. C’est seulement au XVe siècle, sous l’influence du théâtre des Mystères que se popularise la légende de Véronique et que se développe la vénération de la sainte à tel point qu'elle devient la figure traditionnelle de la sixième station du chemin de croix. 

La Vierge à l'Enfant et saint Antoine Le Grand. Saint Antoine a été un des personnages des Mystères briançonnais qui sont des œuvres théâtrales, écrites en Occitan et qui étaient représentées dans certains villages du Briançonnais.

Le Mystère de saint Antoine a été découvert en octobre 1881, par l'abbé Paul Guillaume, dans les archives communales de Névache. "Le Mystère de Saint Antoine de Viennois" ou "Historia Sancti Anthonii de Viennès" nous est parvenu sous la forme d'une copie manuscrite, datée d 1503, composée de 122 feuillets de papier qui furent protégés par le testament en parchemin dans lequel ils étaient emballés.

Il est composé de 4500 vers, dont certains sont des variantes, et sa mise en scène nécessite 85 personnages. Les corrections qui furent apportées au manuscrit permettent de déduire que le mystère fut représenté au moins trois fois au cours du XVIe siècle. (wikipedia)

Le culte de Saint Antoine Ermite fut, de tout temps, très populaire à l'instar des saints guérisseurs. Une thèse récente d'Alessandra Foscati, revient sur l'ergotisme, maladie due à un champignon,  l'ergot de seigle, que saint Antoine était censé guérir. "Après la découverte des épidémies d'ergotisme (empoisonnement causé par l'ingestion de la toxine fongique du seigle) et de son étiologie, les médecins du XVIIIe siècle ont interprété les chroniques médiévales dans leurs textes médicaux afin de reconnaître les occurrences de maladies ergotiques par le biais d'un diagnostic rétrospectif. Ils supposaient que le feu de Saint-Antoine et l'ignis sacer («feu sacré») enregistrés dans les textes médiévaux représentaient la même maladie, l'ergotisme. Cette méthode d'interprétation, dépourvue de base textuelle dans les sources, a jusqu'à présent été mal suivie par les historiens. Ce livre examine ce préjugé historique à travers une analyse textuelle, en comparant diverses sources médiévales et modernes. Une complexité sémantique frappante émerge qui change le concept du feu de Saint-Antoine et modifie notre compréhension des maladies en général." (Le feu de Saint Antoine de l'Antiquité au XVIIIe siècle)

Merci à Olivier Joseph

Sur le mur de gauche, nous est contée en images la légende du pendu-dépendu. Trois pèlerins, un couple et son fils, arrivent un soir dans une auberge. L'aubergiste, très amène leur offre à boire sur le pas de sa porte.

Plus tard, l'aubergiste fait des avances au fils qui tente de retirer sa main...

Vexée d'avoir été éconduite, elle profite du sommeil de la famille pour dissimuler un plat en argent dans les affaires du fils.

Le lendemain, les soldats arrêtent la famille et trouvent le plat en argent sur le jeune pèlerin. Il est arrêté et pendu. La mort dans l'âme, ses parents reprennent leur route.

La suite de l'histoire est inscrite sur des tableaux en fort mauvais état : à Compostelle, les parents vont prier saint Jacques, qui leur assure que leur fils est aussi vivant que ces deux poulets... Ils retournent chercher leur fils et le dépendent. Il est vivant !

On retrouve des restes d'une fresque qui a trait à cette légende sur un des murs de l'église d'Eygliers.

La Passion du Christ en bandes dessinées : flagellation

Mise en croix

   Crucifixion

Dans le choeur, un Christ en Majesté avec les symboles des évangélistes. Il porte une robe vert pâle et un manteau ocré doublé d'hermine. L'artiste lui a donné les traits conventionnels de Dieu le Père. Ce beau thème si fréquent du Christ en Majesté nous évoque les visions de saint Jean dans l'Apocalypse et d'Ezechiel dans la Bible : "Le Seigneur siégeait au firmament sur un trône de saphir. Au milieu d'un feu tournoyant, gravitaient vers lui quatre animaux à face d'homme, de lion, de taureau et d'aigle" (Gabrielle Sentis)

Sur l'arc triomphal, est figurée l'Annonciation : 

La Vierge en bleu s'agenouille sur un prie-Dieu, le visage majestueux de Dieu le Père apparaît à gauche de la Vierge, vers qui se dirige la colombe du Saint Esprit...

L'archange aux ailes rouges est en face.

Et nous sommes soudain envahis par le drame sacré qui se joue entre eux : le mystère de l'Incarnation emplit cette humble chapelle ,par la foi et l'amour du modeste peintre, égal ici aux plus grands. Gabrielle Sentis

Saint Pierre et saint Paul, dont les yeux ont été effacés...

 

 

 

 

Et quelques détails sublimes pour savourer le talent des artistes...(cliquer pour agrandir )

"Sois humble, car tu es fait de terre. Sois noble, car tu es fait d'étoiles."

(Proverbe serbe.)

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Comments

[gitantroubour]

Encore un bel article bien illustré et bien documenté, merci pour le partage j'adore !!!

Je le découvre par hasard alors que je pensais être abonné à la newsletter ???

Au plaisir de lire vos prochains articles !!!

[Miguelpoet]

Bravo pour ce reportage et les photos qui l accompagne. La légende du pendu dépendu on la retrouve tout le long du chemin de St Jacques que j ai eu le plaisir de faire plusieurs fois ainsi que celui de Rome. En Espagne, a Santo Domingo de la Calzada , dans la cathédrale se trouve une niche avec un couple de poulets vivants qui rappelle cette légende du moyen âge. Merci pour ce beau reportage.

[G.Photos]

Un très bel article sur votre blog que je découvre. Une superbe chapelle et un très joli texte bien écrit. Bonne journée

[ch'dré]

Considérez-vous la chasteté comme une vertu?

[christiane]

superbe, merci Sylvie