Retour aux genévriers thurifères de Saint-Crépin
Il y avait bien longtemps.
C'était avant la sortie de mon livre D'écorce et d'aiguilles. Combien de temps ? Un millième de seconde pour ces aïeux bienveillants qui font semblant de m'attendre depuis plus de 1000 ans !
Des lumières. Bien sûr chaque moment de la journée apporte une lumière différente à ces arbres en mouvement. La lumière se pose sur la cime et sublime le vert, elle creuse les troncs et crée d'autres êtres, les colore du fauve au gris, elle se pose sur le chemin aride pour encourager le randonneur, le soleil qui se place derrière L'Elephante m'empêche de la photographier...
Avec quelques extraits du livre, voici de nouvelles photos, de nouveaux détails, d'autres sensations...
(Cliquer qur les photos pour les agrandir)
Ici, il y a un sentier qui grimpe derrière l’ancienne Poste, maison carrée aux volets bleus posée à l’extrémité nord du village de Saint-Crépin.
Et puis il y a ces arbres étranges. Ils sont déjà mes amis. Si étonnants et si loin de ceux de mon enfance ! Le sentier monte encore. Au milieu d’un cortège de vieux arbres. L’air est parfumé.
Cette fois, les arbres m’attendaient comme de lointains cousins, immobiles et vivants, avec l’air amusé et chargé de reproches de celui qui m’aime et m’a espérée longtemps.
Les arbres m’étaient familiers comme les arbres de mon enfance. Je les reconnaissais, je les appelais par leur nom : l’Éléphante, le danseur, la chevelure, la chouette, le cri, Marie-Madeleine, l’enfant, l’œil, la vague...
Retourner sur le sentier, longtemps après les premières visites. Photographier ce genévrier thurifère femelle, âgé de 1400 ans selon les dernières études. De quand date son surnom « L’Éléphante » ?
De la nuit des temps ! répond le vent. Ce nom est né de l’imagination et de la tendresse de celles et ceux qui l’ont approché depuis des centaines d’années.
Elle ne s'e'st pas laissé enfermer dans ma boîte à photos ! Elle était entre le soleil et moi, je n'ai pu lui prendre que ce gros oeil et le bois gris éléphant de son tronc...
Il fallait bien que quelqu'un s’y arrêtât
Pour sentir le souffle de la bouche familière
Là, au bord du chemin
Pour sentir la volonté de sortir de l’arbre
De lézarder au soleil
Qui t’a brisée ?
Dans la forêt millénaire
Ses enfants la cherchent
Elle est là.
Il fallait soutenir le regard sur le monde
Tapi dans l’ombre
Exorciser le dragon
Il fallait bien capter cet œil sans reflet
Et repartir changé
La chapelle du hameau des Guions, en haut du chemin...
Dans l’ombre du noyer, un banc de fer où se reposer. C’est une association qui a acheté le hameau en ruine dans les années cinquante et a restauré maisons, fontaine et chapelle
Les habitants du village des Guions descendaient et montaient, se croisaient, discutaient, processionnaient, pour acheter des produits, prier, vendre leurs productions. Des noix, par exemple…
Car voici le premier noyer.
J’ai regardé vers la vallée, j’ai cherché la forêt qui avait plongé dans le vide. Je me suis demandé qui des genévriers ou des hommes celtes étaient arrivés les premiers ici, hommes et bêtes peut-être essoufflés comme moi dans la chaleur de l’été et la rumeur de la vallée.
J’étais hors d’haleine et heureuse d’avoir atteint le haut du sentier muletier où je n’avais rencontré aucune mule.
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Les textes en italique sont sortis du livre D'écorce et d'aiguilles - éditions Les Autanes, 2019. 15€
Les photos du livre sont en noir et blanc. On peut le commander sur ce blog en envoyant un message à "contacter l'auteur" ou en laissant un commentaire.
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