L'église ND d'Aquilon de Guillestre : l'intérieur
Nous sommes le 15 novembre 1532, il y a du monde sous le réal de l'église, du beau monde, Antoine Pascal, vicaire général de l'archevêque d'Embrun, les consuls, les prêtres, les habitants endimanchés... c'est aujourd'hui que l'église de la Bienheureuse Vierge Marie d'Aquilon va être consacrée...
25 ans plus tôt, en 1507, le dimanche 20 juin, l'archevêque d'Embrun se trouvait à Guillestre. Il remarqua que l'église ne pouvait plus convenir à une population qui avait augmenté...
Entrons à la suite de cette foule massée sous le réal, à la suite d'Antoine Pascal qui consacre l'église “en l'honneur du Dieu Tout Puissant, de la Glorieuse Vierge Marie, de tous les célestes habitants et sous le titre de la Bienheureuse Vierge Marie d'Aquilon, avec l'office et selon les cérémonies de la Sainte Église Romaine”. Il consacre également les six autels. Le maître-autel fut dédié à Notre-Dame d'Aquilon, le deuxième à saint Sébastien, le troisième à la Sainte Trinité, le quatrième à sainte Catherine, le cinquième aux saints Crépin et Crépinien et le sixième à saint Antoine, abbé. Le lendemain, le vicaire général procéda à la bénédiction du cimetière et y prononça “une redoutable excommunication et une amende de 25 livres contre tous ceux qui oublieraient le respect dû à ce lieu saint, quels que fussent d'ailleurs leur rang et leur dignité”.
Sur ce plan, publié par l'association du Pays Guillestrin, on peut voir en gras le tracé, orienté, de l'ancienne église du XIe siècle et en gris, les agrandissements réalisés, avec un axe nord-ouest sud-est.
Voici le choeur de la première église, en marbre rose de Guillestre.
Et voici la nef actuelle, construite à partir de 1507, avec l'arc triomphal de l'ancien choeur à gauche. La sacristie actuelle date de 1719. En 1728, le maître-autel fut refait en marbre rose. En 1730, fut posé le grand vitrail au fond du chœur. En 1789, la table de communion fut placée par maître Ricard, serrurier d'Embrun. Sous la Révolution, en l'an II (1794), l'église fut dépouillée de son argenterie, de ses ornements et de ses cloches, sauf une. Elle fut transformée en magasin de liquides, vinaigre et eau-de-vie de l'armée. On brisa, malheureusement, sa magnifique croix en argent doré qui remontait, dit-on, aux Templiers et qui donna 2 kilos 600 grammes d'argent. L'église de Guillestre a été classée monument historique le 4 avril 1911, à l'exception de la sacristie et de la vicairie. (Pays Guillestrin).
Pierres de l'ancienne église, colonne et chapiteau avec une date : 1425 ?
Par l'accord conclu sur la place publique, les consuls s'obligent “à construire le chœur de l'église ... avec croisées d'ogive, tiercerons et moulures convenables, suivant le plan dressé par l'architecte Galléas ; le pavement du chœur sera en marbre rouge. Ce chœur aura en long et en large, quatre cannes (8 m) ; le ciel de la voûte sera en tuf. De plus, à partir du chœur jusqu'au portail de l'église actuelle, ils feront une nef de 12 cannes de long et 8 de haut en trois travées de quatre chapelles, s'ouvrant sous une arcade de pierre de taille en marbre rouge. Une rose à huit branches, des fenêtres en nombre nécessaire, une porte latérale à l'usage du prieur et du curé, un portail à l'entrée de la nef. (Pays Guillestrin).
Voilà ce que nous aurions vu si nous étions présents le 15 novembre 1532... Et voici ce que nous découvrons aujourd'hui :
La rosace à 10 branches en façade nord
La fenêtre d'axe est gothique à trois éléments avec son vitrail : l'Assomption inspirée de Bartolomé Esteban Murillo (1670), saint Sébastien et saint Roch.
Un vitrail avec saint Joseph et saint Antoine le Grand
Un beau vitrail de 1905, réalisé par Donzet, peintre-vitrailler à Marseille, don de Madame Tavernier, née Gendre...
Un tableau de saint Crépin et saint Crépinien avec la Vierge à l'Enfant, de la deuxième moitié du XVIIe siècle. Saint-Crépin et Saint-Crépinien sont les patrons des cordonniers. Il est rare qu'on représente Saint-Crépinien qui semble être tombé dans l'oubli. Sauf à Soissons en Picardie, où les deux Saints sont souvent associés et dans l'église de Saint-Crépin, où ils sont représentés autour d'une crucifixion.
église de Saint-Crépin, tableau d'André Gelet (1633)
Un tableau de Louis Court, célèbre peintre religieux du XVIIIe siècle né à Guillestre : le pape Grégoire XIII bénissant les fidèles. Tous les regards convergent vers l'hostie ou vers la communiante.
On remarquera la richesse des couleurs et des détails,
la finesse de la dentelle, la précision du tableau du fond de scène et des bas-reliefs du décor.
Une pietà émouvante par ses proportions, sans doute maladresse du peintre mais rendu insolite...
Une sainte Famille et sainte Barbe du XVIIIe siècle
Un bénitier en tuf sculpté
deux panneaux en bois sculpté sont exposés et sont ce qui reste des stalles richement décorées...
Le chemin de croix est une peinture murale style Art-Déco et date de 1932. Le modèle, que l'on retrouve dans de nombreuses églises de la reconstruction de la Première guerre mondiale, dans le Nord de la France, mais aussi dans l'église de La Salle-les-Alpes, est dû au peintre, cartonnier et maître-verrier, Louis Mazetier (1888-1952)
Guillestre à gauche, La Salle-les-Alpes à droite
serrure du porche où sont représentés, un évêque, un consul, un juge et deux dauphins ou deux oiseaux.
Cette église est toujours ouverte. N'hésitez pas à la visiter pour faire d'autres découvertes...
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Merci à l'association Pays Guillestrin