Jacques Ibanès : Guillaume Apollinaire est venu à Baratier
En 1915, de Nice à Oran en passant par Nîmes et la Champagne, Guillaume Apollinaire est sur le front de l’amour entre Lou et Madeleine et sur celui de la guerre. Jacques Ibanès fait revivre par le texte et la chanson le poète qui célébrait
Les soleils merveilleux mûrissant dans l’espace
Comme font les fruits d’or autour de Baratier
Jacques Ibanès, chanteur, poète, écrivain, n’a pas manqué de rendre visite à l’église Saint-Apollinaire de L’Argentière-La Bessée et sur la route qui l’emmenait à Baratier, il a salué le mont Guillaume… puis il est allé photographier la plaque de la Rue Guillaume Apollinaire et celle du Chemin des fruits d’or.
Non, Baratier n’a jamais vu Apollinaire se promener dans ses rues qui sécrètent pourtant un parfum de poésie.
Pour nous, public de Baratier, c’est l’amour et la guerre de Guillaume Apollinaire qui sont passés dans la voix à la chaude humanité de Jacques Ibanès. Nous avons redécouvert les poèmes chantés, où amour et volupté se mêlent au bruit des tirs de canons et à la tristesse des champs de bataille, où les roses comme les obus célèbrent avec passion et érotisme le corps de Lou. Nous étions tous assis dans le wagon de chemin de fer à contempler la rencontre du "soldat bleu d'un rêve" avec Madeleine, juste après que le poète ait quitté Lou pour rejoindre le front. Le front,
Boyaux et rumeur du canon
Sur cette mer aux blanches vagues
Fou stoïque comme Zénon
Pilote du cœur tu zigzagues
L'horizon, le combat. Des enfants...
Un fantassin presque un enfant
Bleu comme le jour qui s'écoule
Beau comme mon cœur triomphant
Disait en mettant sa cagoule
Tandis que nous n'y sommes pas
Que de filles deviennent belles
Voici l'hiver et pas à pas
Leur beauté s'éloignera d'elles
Nous avons écouté les lettres parfois murmurées sur quelques accords de guitare et nous avons ri au récit au pas cadencé du 2ème canonnier conducteur. Nous étions vingt et cent. Nous étions tous captivés et les mots de Guillaume prononcés par Jacques ont fait le voyage jusqu’à nos coeurs et explosé jusque dans nos mains, car elles voulaient couvrir le bruit de la guerre et applaudir à l’amour…
Toi qui fis à l’amour des promesses tout bas
Et qui vis s’engager pour ta gloire un poète
Ô rose toujours fraîche, ô rose toujours prête
Je t’offre le parfum horrible des combats
Jacques Ibanès reviendra dans les Hautes-Alpes, avec dans ses bagages, d’autres récitals, d’autres chansons, un riche catalogue, de poètes, de chanteurs, avec la Méditerranée et l'Océan, avec Brassens et la solitude du gardien de phare, et Prévert et Cendrars, avec la poésie, "une arme à faire refleurir l'espoir", des mots de combats et de résistances, avec des voyages et l'amour, toujours l'amour...
Voici le tétin rose de l'euphorbe verruquée
Voici le nez des soldats invisibles
Moi l'horizon invisible je chante
C'était dimanche 21 juillet à Baratier.
Apollinaire est passé par là,
enfin !
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À lire : L'Année d'Apollinaire, 1915, l'amour, la guerre. Jacques Ibanès, Fauves-Éditions, 2016