"Si je mourais là-bas"... Baroulade poétique à Baratier
Rive gauche de la Durance
S'étire un modeste village,
Pour avoir l'air encore plus sage
Saint-Chaffrey est son saint patron ;
Au bord du torrent des Vachères,
Des hommes ont construit leur maison
C'est vous dire leur caractère,
Pauvres et fiers est leur surnom
(refrain de la chanson "La Baratone" de Bernard Jamais)
C'était encore l'hiver et le vent soufflait. Derrière les arbres sans feuilles on apercevait une église et quelques maisons...
La grille d'une belle demeure,
La maison toute entière, la tour carrée au pigeonnier, la chapelle...
Et plus loin, autre époque, la belle maison créée par Achille de Panaskhet, architecte de l'église et de l'école de Savines-le-Lac,
avec ses hublots, ses coursives
Cavalant sur un rocher rose, a surgi la marmotte espiègle et le lézard lascif ne s'est pas enfui...
car ils étaient le rocher-même, marbre rose de Guillestre.
Sur la place du village, la belle halle toute neuve
a dévoilé son admirable charpente en mélèze sous laquelle les baratons aiment se retrouver
Un banc attendait, le lever du soleil ou son coucher. Tout dépendait où l'on s'asseyait...
Saint Roch montrait sa plaie son chien auprès de lui, saint Chaffrey brisait son épée encore et encore et saint Jacques s'écriait Ultreïa !
Une enseigne où se restaurer au coin de la rue...
La rue Guillaume Apollinaire. Le poète s'était-il promené dans ce charmant village ?
En cherchant un peu, on apprend que Guillaume Apollinaire se rendait souvent dans la Villa Baratier de Nice après sa rencontre avec Lou... Il n'est donc jamais venu au village de Baratier. Merci à Jacques Ibanès qui a mis en musique des poèmes d'Apollinaire et les chante accompagné de sa guitare.
*
Si je mourais là-bas sur le front de l’armée
Tu pleurerais un jour ô Lou ma bien-aimée
Et puis mon souvenir s’éteindrait comme meurt
Un obus éclatant sur le front de l’armée
Un bel obus semblable aux mimosas en fleur
Et puis ce souvenir éclaté dans l’espace
Couvrirait de mon sang le monde tout entier
La mer les monts les vals et l’étoile qui passe
Les soleils merveilleux mûrissant dans l’espace
Comme font les fruits d’or autour de Baratier
Souvenir oublié vivant dans toutes choses
Je rougirais le bout de tes jolis seins roses
Je rougirais ta bouche et tes cheveux sanglants
Tu ne vieillirais point toutes ces belles choses
Rajeuniraient toujours pour leurs destins galants
Le fatal giclement de mon sang sur le monde
Donnerait au soleil plus de vive clarté
Aux fleurs plus de couleur plus de vitesse à l’onde
Un amour inouï descendrait sur le monde
L’amant serait plus fort dans ton corps écarté
Lou si je meurs là-bas souvenir qu’on oublie
— Souviens-t’en quelquefois aux instants de folie
De jeunesse et d’amour et d’éclatante ardeur —
Mon sang c’est la fontaine ardente du bonheur
Et sois la plus heureuse étant la plus jolie
Ô mon unique amour et ma grande folie
Guillaume Apollinaire - 30 janvier 1915 - Poèmes à Lou
*
Le sang d'Apollinaire n'a pas giclé sur le monument aux morts de Baratier...
Mais ici, quel bonheur, on célèbre la PAIX chère au poète
Et on la chante avec les enfants de l'école en rendant hommage au dernier poilu Lazare Ponticelli, mort en mars 2008 :
Remplaçons les armes par des arbres, les cris de douleur par la musique des mots.
Et sur un mur tout gris, il y avait les couleurs de la Paix...
Il y avait l'église Saint-Chaffrey toujours ouverte, alors nous reviendrons, nous pousserons la porte...
Belle fin de semaine !
Merci à Claude Chaix