La chapelle Saint Sixte de Puy-Richard (Puy-Saint-Pierre) et sa Pietà
L'autorisation de construire la chapelle est donnée en 1497 par l'archevêque d'Embrun. Elle sera supervisée par les moines franciscains des Cordeliers de Briançon, dont les bâtiments conventuels furent achevés en 1391. Les frères mineurs ou franciscains sont l'un des principaux ordres mendiants approuvés par le Pape Innocent III (1198-1216). Appelés aussi Cordeliers, ils furent chargés, à la suite du quatrième concile de Latran (1215), de lutter contre les hérésies, puis chargés de fonctions inquisitoriales.
La chapelle est implantée au nord du hameau de Puy-Richard, sur les pentes du mont Prorel. De plan très simple, elle forme un rectangle légèrement trapézoïdal. Le décor peint extérieur a été réalisé en 1808.
Y sont représentés, saint Sixte, Saint Pierre (patron de la paroisse de Puy-Saint-Pierre) et saint Antoine. Saint Sixte (à gauche) est le 24e évêque de Rome (257-258). Il fut élu au moment où reprenaient les persécutions et décapité avec six de ses sept diacres. On laissa quelque temps au septième, saint Laurent, afin qu'il puisse livrer les biens de l'Église, ce qu'il refusa. Il fut alors à son tour martyrisé et passé sur un grill.
Saint Antoine Abbé a vécu en Egypte entre le IIIe et le IVe siècle après JC, il est considéré comme le père du monachisme. (voir le saint Antoine de l'église de Saint-Sauveur). Très présent dans l'iconographie haut-alpine, il était invoqué pour guérir le mal des ardents provoqué par l'ergot de seigle et qui donnait hallucinations, gangrène et convulsions, confondus ave une possession démoniaque...
Il est toujours très émouvant de pousser la lourde porte d'une chapelle, entrer dans le silence d'une pénombre fraîche. Et puis l'oeil s'habitue... le soleil entre par la porte ouverte... Alors sur les vieux murs, des êtres rouges, verts, bleus, se mettent à vivre... (Gabrielle Sentis)
Dans le choeur, cette somptueuse pietà, représentée entre saint Jean et sainte Marie-Madeleine, peinte a fresco en 1508, c'est à dire sur un enduit humide, à base de chaux. Cette technique n'autorisant pas les repentirs, demande au peintre une grande maîtrise. Cette Pietà s'inspire de celle de Villeneuve-lès-Avignon, peinte par Enguerrand Quarton, témoignant de la circulation des modèles et de l'apport provençal dans la zone alpine. Le décor offre une perspective qui emprunte les chemins latéraux ainsi qu'un ciel aux tons qui s'illuminent en profondeur. On pense que sainte Marie-madeleine et saint Jean ont été peints après la réalisation de la fresque. Une sorte de halo entoure la sainte, correspondant à la difficulté qu'il y a à retrouver la couleur d'origine dans la technique de la fresque. les chemins "coupés" tendent également à conforter l'idée de ces ajouts.
"Sous le pinceau ou le ciseau d'un artiste, le Christ, dans la mort, devient plus vivant qu'un vivant." (Rodin)
La robe de la vierge est remarquable, d'un bleu profond, rendu par une peinture noire a fresco enduite a seco d'un bleu d'azurite ou de lapis-lazuli, difficilement solubles dans l'eau contrairement aux ocres. Elle offre un enchevêtrement de motifs floraux et végétaux avec des traces de feuilles métalliques, sans doute des feuilles d'argent. Des feuilles d'or ont également été utilisées pour les auréoles et les galons des vêtements. L'expression triste et sévère du visage de Marie est à rapprocher de celui de la pietà d'Enguerrand Quarton.
"Je le reçus sur mes genoux, tout livide et meurtri, ses yeux étaient morts et tout pleins de sang, sa bouche froide comme neige, sa barbe raide comme une corde..." (Sainte Brigitte de Suède)
De part et d'autre de la pietà, on peut voir deux peintures du XIXe siècle, représentant, à gauche saint Marie-Madeleine et à droite, saint Sixte et saint François-Xavier.
Lorsque la fresque du choeur a été découverte, on a déplacé l'autel contre un mur latéral.
Il est intéressant par ses personnages d'évêques et de cardinal, qui semblent s'animer dans leurs alcôves, comme les personnages d'un théâtre miniature...
La chapelle est dotée d'un clocher-mur avec un pignon à pas-de-moineaux qui abrite une cloche. La chapelle en totalité, y compris les décors peints est inscrite aux Monuments historiques par arrêté du 10 janvier 2008. Elle est la propriété de la commune.
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Merci à Philippe Delmas, guide-conférencier au Service du Patrimoine à la ville de Briançon, ainsi qu'à la commune de Puy-Saint-Pierre qui offre cette visite guidée.
Sources :
- L'église des Cordeliers de Briançon, ouvrage collectif (Philippe Delmas, Véronique Faucher, Julie Crutz et Françoise Deshairs, guides-conférenciers du Service du patrimoine de Briançon) éditions du Fournel, mai 2015, publié après la magnifique restauration de cette église du XIVe siècle.
- L'Art du Briançonnais, I La peinture au XVe siècle, Gabrielle Sentis, Grenoble, 1970.
- Architecture et Patrimoine- Ministère de la Culture.