La chapelle sainte Elisabeth et la Madonna Mitragliata : "Quand vous jouiez à la guerre"
Quand vous jouiez à la guerre
Moi je gardais la maison
J’ai usé de mes prières
Les barreaux de vos prisons
Quand vous mouriez sous les bombes
Je vous cherchais en hurlant
Me voilà comme une tombe
Et tout le malheur dedans
Anne Sylvestre (Une sorcière comme les autres, Chansons pour adultes)
Le Rosier (alt : 1370 m) est un hameau de Val-des-Prés, commune la plus importante de la Vallée de la Clarée, qui bénéficie de la proximité de Briançon et de Montgenèvre, station de ski réputée et dernière commune avant l'Italie toute proche.
La carte de Cassini indique que le Rosier était une succursale de la paroisse des Prés. Le hameau avait son desservant qui disait la messe dans la grande chapelle Sainte-Élisabeth.
Cette chapelle, située au bord de la D994, porte deux dates, 1614, probablement celle de sa construction et 1972, celle de sa dernière restauration.
Construite sur une base rectangulaire, ses murs recouverts d’un enduit en ciment s’élèvent légèrement en oblique. L’ensemble est couvert d’une toiture de bardeaux à deux pans, largement débordante. Une porte en anse de panier et cinq fenêtres, composent les ouvertures de cette chapelle entièrement restaurée en 1972.
Du toit s’élève un clocher-mur appelé aussi clocher à campenard, percé d’une seule ouverture où se balance la cloche qui annonçait le début et la fin des offices, sonnait les rassemblements et les alertes...
Elle est placée sous le vocable de sainte Elisabeth, mère de saint Jean-Baptiste.
A l’intérieur, un retable en bois délimité par deux colonnes torsadées à motifs de vigne, est encastré sur le mur du chœur. Au milieu de ce retable, un tableau représente la Visitation, scène du nouveau testament, décrite dans l’évangile de Luc (1-39 à 56), où Marie rend visite à Elisabeth.
De simples meubles, des gravures, un chemin de croix ornent les murs de cette chapelle rustique très colorée.
Dans le clocher-mur, une cloche de 52 kg (45 cm de diamètre, Sol#) fondue par Farnier Frères de Robécourt département des Vosges et bénie le 4 mai 1890, en remplacement de la vieille cloche de la chapelle Sainte Elisabeth hameau du Rosier pesant aussi cinquante deux kilos et cassée cinq à six ans plus tôt.
L’ancienne cloche ne portait que cette seule inscription : B. ROGERIUS MDCCLXXI (c’est à dire 1771) avec l’image d’un religieux en relief. La nouvelle cloche en airain ou bronze a été fondue dans de bonnes conditions de travail et surtout de bon marché plus que dans d’autres fonderies. C’est ce motif qui nous a fait nous adresser à cette maison. On a donné un franc cinquante centimes le kilo de la vieille cloche et on a payé le port par chemin de fer. Ce qui nous a rendu soixante dix neuf francs cinquante centimes.
La nouvelle cloche dont les fondeurs ont aussi payé le port a coûté cent quatre vingt dix sept francs quatre vingt dix centimes. En retranchant les soixante dix neuf francs cinquante il reste à payer la somme de cent dix huit francs quarante centimes.
Pour Eric Sutter, président de la Société Française de Campanologie, l'inscription de l'ancienne cloche est un mystère. La mention B. ROGERIUS pourrait être, soit le nom du religieux pour lequel la cloche a été fondue, soit le nom du fondeur, bien qu'aucun fondeur du XVIIIe s. ne soit identifié sous ce patronyme à ce jour. Faudrait-il plutôt lire Roserius, de rosier, mais alors que signifie la lettre B qui précède ?
Un mystère qu'il serait intéressant d'élucider...
Cette cloche porte un trou sur l' "épaule", probablement dû à un impact de balle. Une trace de la Bataille des Alpes en 1940, ou de la libération du Briançonnais en 1944 ?
Nous savons que les soldats aimaient "jouer" avec leurs armes, prenant tout et n'importe quoi pour cible...
Une autre cible : la Madonna Mitragliata, dans le village de Clavière, situé à 2 km de Montgenèvre en Italie. Clavière est l'une des stations du domaine skiable international de la Voie Lactée (Via Lattea) qui va de Montgenèvre à Sestrières et Oulx. En 1713, le traité d'Utrecht fixe la séparation entre les États du roi de France et ceux du duc de Savoie, « à la ligne de partage des eaux ». Clavière est détachée de la communauté de Val-des-Prés, à laquelle elle appartenait jusque-là, et devient piémontaise.
Clavière est détruit lors de la bataille des Alpes en juin 1940. L'ancienne église de la Visitation n'existe plus. L'église paroissiale actuelle est encore consacrée à Notre-Dame de la Visitation. Une fresque de la nativité couvre le portail de l'église. A l'intérieur, se cache une statue de la Vierge, qui frappe d'émotion quiconque la visite...
Le 8 septembre 1944, un violent bombardement allié détruit l'église et la plupart des maisons de Clavière. Deux Alpini emportent la Vierge dans un bunker pour la sécuriser. Sur son socle, on peut d'ailleurs lire "Madone des canonniers".
A la fin de la guerre, les troupes italo-allemandes se retirent et Notre-Dame est retrouvée par les villageois dans les forêts de la localité de La Coche pendue à un arbre et mitraillée...
Tu que passi, fermati, Toi qui passes, arrête-toi,
e guarda come mi ha et regarde ce que m’a
ridotta la guerra. fait la guerre.
Ascolta, o figlio il Écoute, mon enfant la
gemito di tua Madre plainte de ta Mère
e riprendendo il cammino, et en reprenant le chemin,
va e opera sempre va et oeuvre toujours
per il bene e per pour le bien et pour
la pace. la paix.
Merci à Denis Vialette, Bernard Prunier, Eric Sutter, Jean Vallier, et aux douaniers qui m'ont laissé passer en Italie après les contrôles aux frontières nouvellement rétablis...