La chapelle Notre-Dame-du-Bon-Secours, Saint-Pierre et Saint-Paul - Ailefroide (Pelvoux-Vallouise)
Le sentier de Pelvoux à Ailefroide
Je le connais sous toutes les saisons, l'été il est écrasé de lumière, à l'automne, ce sont les rayons du soleil rasant qui allument les ors des mélèzes, l'hiver la neige feutre les sons et lui donne toute sa magie. Si le paradis existe, il doit ressembler à ce sentier qui monte en pente douce jusqu'au hameau d'Ailefroide...
La chapelle
Située au coeur du hameau d'Ailefroide de la commune de Pelvoux (Pays des Écrins), à 1507 m d'altitude, la chapelle est de dimensions modestes, constituée d'une seule nef avec voûtes d'arêtes sur des pilastres et présente un chevet plat et un petit campanile sur le toit. Une chapelle consacrée à saint Pierre et saint Paul est signalée en 1567. La chapelle mentionnée en 1720 pourrait correspondre à l'édifice actuel, remanié au 19e siècle. Son nom complet est « Chapelle Notre-Dame-du-Bon-Secours, Saint-Pierre et Saint-Paul ».(Vallouimages)
L'alpinisme
Tous les randonneurs et tous les alpinistes connaissent bien ce haut lieu d'alpinisme avec son grand camping, au départ de courses en haute montagne avec ses sommets qui frôlent les 4000 m et lui font un berceau.
Le 3 août Macdonald n'étant pas arrivé, nous partîmes sans lui pour La Vallouise. Notre expédition se composait de Reynaud et de moi et d'un porteur, Jean Casimir Giraud, le cordonnier de La Bessée, surnommé "Petit Clou". En une heure et demi d'une marche rapide nous atteignîmes Ville-Vallouise. À Ville, la vallée de Vallouise se divise en deux branches : le Val d'Entraigues à gauche et le vallon d'Alefred (ou Aile-Froide) à droite. C'était ce dernier que nous devions remonter. Edward Whymper - Escalade dans les Alpes de 1860 à 1869, traduit par Adolphe Joanne, 1873.
La route non déneigée en hiver continue au-delà jusqu'au pré de Madame Carle et le refuge Cézanne. Depuis ce lieu, la randonnée vers le Glacier Blanc est vraiment un must, un passage obligé ; la randonnée continue jusqu'au pied du glacier, puis jusqu'au Dôme des Écrins. Refuge du Glacier blanc et Refuge des Écrins accueillent les alpinistes dans le mythique Parc National des Écrins.
Un peu d'histoire...
Construite avec des matériaux pris sur le site, la chapelle est représentative des architectures religieuses de montagne, les agrégats des maçonneries hourdées de pierre proviennent certainement du torrent de Saint-Pierre.
La chapelle, dans la première moitié du XXe siècle
La dimension symbolique et religieuse de cet édifice est elle aussi représentative de ces populations pionnières qui ont façonné le cadre de vie de ces hautes vallées alpines. Aile froide fut un hameau d'alpage avant de devenir un site touristique.
Une autre photo, envoyée par Pierre-Emmanuel Debergh, montre un convoi de muletiers qui portent des matériaux de construction. Au verso, on peut lire, écrit de la main de l'expéditeur :
Le refuge Caron, actuel refuge des Écrins, fut détruit par un incendie en 1921
En 1713, date des traités d'Utrecht, la chapelle n'existe pas... Mais dans un document de 1722 on peut lire :
Il faut maintenant observer que ledit François Barnéoud fut établi consul de la tierce partie de la Ville de Vallouise pour l'année mil sept cent dix-sept qu'il lui fut baillé en recette un rôle royal dans lequel les fonds de la chapelle Saint-Pierre et Saint-Paul qui sont situés dans ladite Communauté furent compris pour la somme de vingt-six livres douze sols.*
Sur la carte de Cassini ou carte de l'Académie, première carte générale et particulière du royaume de France (publiée entre 1756 et 1789), le symbole de la chapelle apparaît près du nom d'Ailefroide. *
En 1847, le registre de paroisse fait le récit de processions de la confrérie des Claux suivies d'une messe, qui se déroulent le jour de la fête de saint Pierre.
De temps immémorial la sainteté de cette fête était profanée par des danses publiques qui avaient lieu dans cette montagne ; grâce à la docilité de la jeunesse de la paroisse à laquelle nous avons ici à rendre hommage, cet abus a disparu tout à fait depuis 1845.
En 1877, une inondation emporte la chapelle qui venait d'être réparée et remise à neuf. Seule la cloche bénie en 1852 est sauvée... Les ponts de l'aile froide ont été rompus...*
La façade porte le date de 1881, peut-être date de sa reconstruction.
Intérieur et extérieur
Photographié par la très petite ouverture à gauche de la porte, l'intérieur avec ses bancs, son autel basique, porte une statue de Saint-Paul et une autre de Saint-pierre (cachée ici).
Une huile sur toile représente la Vierge à l'Enfant couronnée et assise, tenant un sceptre, avec une ancre au pied, entourée de saint Pierre et de saint Paul. A l'arrière-plan est représenté un bateau pris dans une tempête à proximité de la côte. L'auteur est inconnu, la date 1883 est inscrite à 2 reprises sur le tableau. Quel océan, quel bateau et quelle tempête sont venus jusqu'à ce hameau de montagne ?
Il s'agit peut-être d'un ex-voto peint, véritable trésor de l'art vernaculaire, constitué de tableaux déposés dans des sanctuaires par des croyants, en remerciement à un saint duquel ils estimaient avoir obtenu une protection. On en trouve beaucoup en Provence, quelques-uns dans les Hautes-Alpes.
Une ardoise gravée est incrustée Sur l'autel modeste. On peut y voir :
Une pyramide en socle de la croix qui représente le Mont du Golgotha.
Les objets de la Passion, marteau, lance, tenailles et échelle (symboles de la descente de croix)
La croix au serpent d'airain qui rapelle "l'élévation de la croix" racontée dans l'Exode, avec Moïse.
(Jean 3, 13-17)
Le campanile qui abrite la cloche, la toiture en bardeaux,
auraient bien besoin d'une restauration. La Fondation du Patrimoine PACA, soutenue par le Conseil Départemental des Hautes-Alpes, ont entrepris une campagne de restauration dont l'enjeu répond à deux objectifs, maintenir et transmettre un édifice représentatif d'une culture architecturale religieuse singulière et conserver un bâtiment symbolique pour l'ensemble des usagers et des habitants de ce site et du village.
La restauration devrait débuter ce printemps 2019
La cloche, bénie en 1852, en même temps que celle de la chapelle des Claux et celle de la chapelle Saint-Pierre, chapelle domestique appartenant à Pierre Estienne. *
Sur le mouton de la cloche, une inscription gravée : Saint Pierre. les motifs de décoration (la petite main) font penser aux cloches des fondeurs Gautier de Plampinet. (comme dans l'église des Vigneaux). Le livre de Jean Vallier Les fondeurs de cloches briançonnais, Ed. du Fournel, 2018, ne la recense pas. Il serait utile de profiter des travaux pour l'observer de plus près et sous toutes ses faces...
Lors d'un accident mortel dans le massif du Pelvoux, le corps de la victime était souvent déposé dans la chapelle avant son évacuation. C'est ainsi que le 21 juillet 1948, le corps sans vie du Général Doumenc, décédé dans un accident sur le Glacier Blanc, fut déposé dans la chapelle. *