Hautes-Alpes à l'envers...
Omniprésente dans les Hautes-Alpes, l'eau des lavoirs, des lacs et des flaques offre un miroir au monde. Les arbres lavent leurs feuilles dans l'eau des lavoirs,
Tandis que les façades aquarellées sont troublées par l'ombre d'une beauté accroupie et immobile...
Je retrouve toujours la même mélancolie devant les eaux dormantes, une mélancolie très spéciale, qui a la couleur d’une mare dans une forêt humide une mélancolie sans oppression, songeuse, lente et calme.
Dans les reflets des flaques ou dans les lacs, on peut saisir le monde à l'envers, en illusion, en profondeur.
L’œil véritable de la terre, c’est l’eau ; dans nos yeux, c’est l’eau qui rêve.
Je me suis souvent demandée quelle pouvait être la profondeur d'une flaque d'eau sur le chemin, si un monde inconnu vivait au fond ?
L’eau par ses reflets double le monde, double les choses…
Cette étrange aquarelle qui donne l’humidité aux plus brillantes couleurs…
Regarder le ciel et les nuages qui courent dans le miroir de l'eau, un espace de lumière vivante dans le gris du chemin...
La peine de l'eau est infinie.
Une symétrie du monde, vertige offert au promeneur du lac.
L'eau coule toujours, l'eau tombe toujours, elle finit toujours en sa mort horizontale.
Reflets d'or troublés par la brise, herbes pâles plongeant dans l'eau claire, feuillages illuminés peints avec l'eau du lac, ombre et lumière appliqués sur la surface liquide, comme sur la toile du peintre.
L’eau est le sang de la Terre, elle est la vie de la Terre.
Poser le pied à plat dans la flaque. Effacer les nuages et la roche, ou s'arrêter pour rêver un instant en regardant le ciel posé par terre.
L'eau anonyme sait tous mes secrets.
L’immensité lumineuse des eaux se confondait avec la lumineuse immensité du ciel. Lamartine, « Raphaël »
Edgar Poe : L’ombre des arbres tombait pesamment sur l’eau et semblait s’y ensevelir, imprégnant de ténèbres les profondeurs de l’élément
Celui qui se penche voit mille chose belles : des herbes, des poissons, des fleurs, des grottes, des galets, des racines d’arbres …de ce mariage du ciel et de l’eau naissent des métaphores à la fois infinies et précises…
On rêve avant de contempler. Avant d'être un spectacle conscient, tout paysage est une expérience onirique.
On ne regarde avec une passion esthétique que les paysages qu'on a d'abord vus en rêve.
L’eau nous porte, l’eau nous berce, l’eau nous endort, l’eau nous rend notre mère.
C'est l'objet d'une psychologie des eaux, sinon d'une psychanalyse des images de l'eau.
L'être voué à l'eau est un être en vertige. Il meurt à chaque minute, sans cesse quelque chose de sa substance s’écoule. La mort quotidienne n'est pas la mort exubérante du feu qui perce le ciel de ses flèches ; la mort quotidienne est la mort de l'eau.
______
Citations en italique : Gaston Bachelard, "L'eau et les rêves".
Photos : lavoirs : L'Argentière et Gap. Lacs et plans d'eau : La Roche de Rame, Charbonnières, L'Argentière. Flaques d'eau de chemins...
Comment veux-tu voir le fond de l'eau, si tu n'arrêtes pes de la troubler...
(cadran solaire Embrun, Rémi Potey)