L'église Saint-Laurent de La Roche-de-Rame (Pays des Ecrins)
"En pénétrant les yeux, la beauté éveille le coeur à l'amour, et, hors l'amour, rien ne vaut".
C'est le sculpteur Auguste Rodin qui nous convie ainsi à partager la joie qu'il goûtait à visiter les églises et chapelles des Hautes-Alpes.
L’église actuelle date du XV° siècle. En 1595 l’archevêque d’Embrun écrit que 80 églises ont été reconstruites dans son diocèse .
Le terrain fut probablement donné par quelques nobles qui espéraient ainsi avoir leurs péchés remis, et par les Chevaliers de l’ordre de Saint Jean de Jérusalem présents à l’Argentière et unis à la commanderie d’Embrun. La croix de cet ordre située dans le choeur en témoigne.
Les arcatures ou frises lombardes sur les murs ainsi que les protomés animaliers situés au dessus du portail d’entrée ( chamois et bouquetins) témoignent de l’influence italienne.
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La porte en plein cintre était ornée de colonnes en retrait, aujourd’hui disparues.
C’est en 1886 que le père Pascallon, curé de la paroisse, voulant donner du jour au fond de l’église, fit percer l’imposte actuelle.
Le nœud de Salomon présent sur le porche symbolise la force de l’Eglise. L’alpha et l’oméga le début et la fin.
Des masques humains témoignent d'une réminiscence celte.
L’église de la Roche a un plan basilical (un rectangle) avec une nef et un chœur. La tribune est construite au XVIe siècle et démolie en 1960 (Vatican II). La nef se compose de deux travées voûtées sur croisées d’ogives épaisses à trois nervures qui retombent sur des colonnes circulaires coiffées de chapiteaux en marbre rose de La Roche. Les sculptures des clés de voûte représentent un Agnus Dei, symbole du Christ, une feuille de laurier symbole de la paix, un bélier, rappel du sacrifice d’Abraham.
Le martyre de Sainte-Catherine d'Alexandrie et de Saint-Hyppolite
Les fresques
C'est véritablement une grande émotion que l'on éprouve à ouvrir la lourde porte d'une église et à se trouver dans l'ombre froide, dans le silence, pour qui vient de la lumière sonore et violente du dehors. Puis l'oeil s'habitue, avec le soleil qui entre par la porte restée ouverte et sur les vieux murs de pierre, des personnages rouges, verts, bleus, se laissent deviner prudemment, se mettent à exister, à raconter...
Vie de Saint-pancrace en 8 panneaux
On a alors le sentiment d'un mystère vivant, d'une présence intime, agissante, d'une expression naïve et sincère, reflet de la vie de nos aîeux...
Sainte-Catherine d' Alexandrie
Art populaire s'il en est, ces fresques alpines sont à contempler avec l'esprit de simplicité dont parle encore Rodin : "Tous les chefs d'oeuvre seraient naturellement accessibles à la foule, si elle n'avait pas perdu l'esprit de simplicité..."
Deux apôtres sur le mur sud du choeur, datant probablement du dernier tiers du XVe siècle.
"Au Moyen-Âge le genre humain n'a rien pensé d'important qu'il ne l'ait écrit en pierre". écrit Victor Hugo - Notre Dame de Paris-
La peinture médievale est avant tout un enseignement, comme le dit saint Grégoire le Grand : "Il faut qu'on puisse lire sur les murailles ce qu'il n'a pas été donné à tous de lire dans les livres". Certes, l'enseignement passe d'abord par la peur : voici ce que vous risquez si vous ne croyez pas, menacent les vertus, les vices et les châtiments, par exemple, peints sur les murs de plusieurs églises et chapelles du département. Puis la vie des saints se lit sur les murs intérieurs comme une bande dessinée, tout droit sortis de la Légende dorée, ouvrage rédigé en latin entre 1261 et 1266 par Jacques de Voragine, Dominicain et Archevêque de Gènes, comme un cheminement de la Foi...
C'est l'émotion, la sensibilité qu'on cherche à tirer de l'âme du croyant. La technique, les couleurs, les thèmes, tout doit concourir à ce grand dessein. Qu'elles soient réalisées grâce à un procédé de fresque, peint sur un mur a fresco, c'est à dire sur un enduit encore frais - ce qui exige une grande rapidité d'execution - ou à l'aide d'une peinture à la détrempe, réalisée sur un enduit sec, ces oeuvres sont commandées, soit par les paroisses à l'initiative du Clergé, soit par les riches donateurs qui veulent accomplir un voeu.
On emploie les couleurs les moins coûteuses, dans des paroisses souvent pauvres : l'ocre jaune et rouge, le gris bleu, le blanc d'argent, le vert de cuivre, le violet végétal, ce qui n'empêche pas les peintres de faire éclore la beauté sur les murs.
Je vous offre humblement ce bouquet que voici,
La couleur en est franche,
Et le parfum sincère, et ce bouquet choisi,
C'est la chasteté blanche,
C'est l'humilité bleue et douce et c'est encor
La pauvreté si riche et toute jaune d'or,
Et la charité rouge...
Les cloches
Le clocher-mur, rare dans le département, abrite 4 cloches. La grosse cloche pèse 458 kilogrammes. Elle fut ramenée de l’église de Rame en 1444 et offerte à la paroisse de Notre Dame de La Roche. Elle se fêlera en sonnant le tocsin le 1er août 1914 et sera ainsi, la première victime de la grande guerre. Elle sera refondue en 1928. La deuxième, plus petite date de 1854. Elle pèse 385kg, Une autre cloche provient de la chapelle dépossédée de Notre Dame des Sept Douleurs du hameau du Serre. Elle porte le millésime 1608.
Ouverture de l'église les dimanche de juillete et d'août août de 15h à 18h, avec accueil par un bénévole de l'Association Patrimoine La Roche-de-Rame, mise à disposition d'un document et ambiance musicale.
Sources :
http://www.patrimoine-larochederame.fr/
L'Art du Briançonnais par Gabrielle Sentis, I La peinture au XVe siècle, Imprimerie Louis Jean à Gap, 1970.