La fontête de La Font d'Eygliers
C'est la source qui donne son nom au hameau le plus ancien d'Eygliers (Guillestrois) : La Font. Ce hameau posé sur des coteaux arides, s'est en effet construit autour d'une source, et c'est l'eau qui lui a apporté la vie. On y trouve un four à pain, une fontaine et son lavoir en pierre rose et sur une des pierres on semble lire la date de 1598. (Depliant_Fontaines_Eygliers)
Contre un mur au bord de la route, un bassin de pierre posé sur deux blocs : la "Fontête".
Une tête barbue crache l'eau par se bouche,
Rappelant étrangement les nombreux masques et "têtes coupées" sculptés sur les murs des églises, les chapiteaux de colonnes, les croisées d'ogives, les consoles ou encore sur les linteaux et les façades des maisons.
On attribue à ces têtes humaines, un pouvoir de protection contre "le malin". Ces représentations renvoient au temps des sacrifices humains ou encore à celui des religions gauloises où on avait pour coutume d'exposer la tête de la victime vaincue au-dessus de sa porte pour protéger sa maison des maléfices. C'est du moins une des hypothèses énoncées par certains auteurs (http://www.archeo-alpi-maritimi.com/mythes.php)
En contrebas de la route, le lavoir en béton, recueillait les eaux de la fontaine.
Près du lavoir, un "naïs", sorte de cuvette naturelle remplie d'eau qui servait au rouissage du chanvre. L'appellatif "nais" est répandu dans le Sud-Est de la France, aussi bien en francoprovençal qu'en occitan alpin et signifie 'rouir le chanvre'. Naïs est souvent un nom de lieu dans toutes les vallées des Hautes-Alpes, sauf peut-être en Queyras, où on faisait tremper le chanvre (probablement cultivé jusqu'en 1914) dans des bassins, des "batchas". (Hubert Bessat, Claudette Gemmi : Les noms du paysage alpin, ELLUG, 2001, p. 176.
Le rouissage est la macération que l'on fait subir aux plantes textiles telles que le chanvre et le lin pour faciliter la séparation de l'écorce filamenteuse d'avec la tige. Le terme rouir vient du francique rotjan, qui signifie pourrir. La moyenne pour le rouissage du chanvre était de 8 à 10 jours en mai, de 6 à 8 jours en août et de 10 à 12 jours jours en octobre.
Ce cadre de verdure que domine la chanson des fontaines, ce lieu qui raconte l'histoire de ses habitants, de leurs travaux de rouissage, de culture, de fabrication du pain, c'est à l'eau que nous les devons. Je vous inviterai encore à les rencontrer, au cours de baroulades dans d'autres villages et hameaux, et dans cette nouvelle rubrique : "Eau et fontaines des Hautes-Alpes", avec d'insolites fontaines, avec d'autres "gours" et "naïs", avec les eaux thermales des Hautes-Alpes, les rares puits, l'eau partout présente et chantante dans ce département de montagne.