Le cimetière aux trois oratoires : Molines-en-Queyras
Le village de Molines-en-Queyras, d'altitude 1760m, compte aujourd'hui un peu plus de 300 habitants. Son histoire est parcourue d'événements malheureux, de guerres de religion en incendies et épidémies de peste, entre XVIe et XVIIIe siècles.
L'origine du nom, Mullinricii (739) est sans doute celle de moulin, du latin molinus, bien que d'autres parlent de Terra Mollis (terres molles). Son blason, d'azur au moulin à vent d'argent, les ailes d'or, surmonté d'un pavillon de gueules, semble authentifier la première hypothèse.
L'histoire de Molines a été écrite sur des registres appelés "transitons", du nom des chemins ruraux qui longeaient le plus souvent les canaux d'irrigation. Ces registres, rapportés par Jean Tivollier, l'historien du Queyras, relataient les faits les plus marquants, les catastrophes, les épidémies qui avaient lieu dans le village, à la manière d'une chronique ou d'un journal.
L'église Saint Romain est dotée d'un clocher massif de 10 m de haut qui demeure une singularité du Queyras. Il servit de fort en 1575 lors des guerres de religion et fut brûlé en 1585. Les protestants le transformèrent en prison. Il a été rebâti un peu plus tard à l'occasion des multiples campagnes de rénovation avant de se voir coiffé en 1983, d'une charpente en bardeau.
Le 17 ou 18 juillet de l'an 1574, "Les chapeaux blancs de la prétendue religion réformée commirent plusieurs cruautés contre les catholiques. Ils minèrent le pied du clocher de l'église dans lequel ces derniers étaient réfugiés, les faisant tous périr." Extrait des "transitons".
"...Et le curé de Molines ne voulant pas changer, ils l'enterrèrent tout vif devant la porte du cimetière jusqu'à la tête et l'ont prise pour but au jeu de boules..."
Ce cimetière, nous allons le visiter après avoir ouvert la grille du portail qui grince terriblement. Le portail est encadré par deux oratoires...
Celui de gauche dédié au Sacré Coeur de Jésus et l'autre, au sacré Coeur de Marie.
A l'intérieur du cimetière, une grande statue de Notre-Dame des Grâces. Dans ces vallées retirées, où les Vaudois étaient fortement implantés, la révocation de l'Edit de Nantes eut son effet tardivement ; l'accès au cimetiere pour les sépultures n'était autorisé que sous condition d'abjuration, la dernière ayant eut lieu en 1725.
Des tombes simples et sobres, coffrages et croix en mélèze...
Comme souvent, dans les cimetières des Hautes-Alpes, on a fixé les coeurs en tôle émaillée qui ornaient les croix en bois ou en fer, sur le mur de l'église.
Claude Chaix commente :
"L'usage des cœurs en tôle émaillée dans les cimetières a une explication : jusqu'à l'exhibitionnisme funéraire inventé pour valoriser le cimetière du Père-Lachaise, les sépultures étaient individuelles, en pleine terre et réutilisables après un délai de 5 ans. En cas de réaffectation de la tombe, le seul souvenir du défunt primitif était alors la plaque apposée sur sa croix qui était alors déposée le long du mur de l'église. Cette pratique est règlementée par le décret du 23 prairial an 12 (12 juin 1804)."
Celles-ci sont en fonte et datent du début du XXe siècle. Il semblerait que l'on soit plus ou moins regretté...
Des tombes plus "riches",
De jolis décors qui laissent s'exprimer l'art funéraire...
Deux hommes du village morts à la grande guerre.
Nous ne quitterons pas ce lieu chargé d'histoire sans avoir visité l'église Saint Romain, une belle surprise, dans un prochain message...
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A voir aussi :
L'église Saint Romain de Molines-en-Queyras
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Sources :
LE QUEYRAS , par Mathieu et Serge Antoine, Guide Eté/Hiver, 1995
Molines en Queyras, J.Tivollier, 1913, ed. Jeanne Laffitte reprints, Marseille 1981.
Oratoires.com /La base de données des oratoires