Le rocher du Ristouras et la chapelle Saint-Roch - La Roche de Rame -
Il était une fois une chapelle, au village de La Roche-de-Rame.
On l'avait dédiée à Saint-Roch, comme beaucoup de chapelles de la région, car Saint-Roch, si on le prie beaucoup, guérit de nombreuses maladies, et surtout de la peste.
Allez savoir pourquoi, en 1721, on avait construit cette chapelle dans le hameau des Bonnafés du village de La Roche-de-Rame, juste à côté du torrent de l'Ascension. Or, ce torrent s'appellait ainsi parce que tous les ans, à l'Ascension, au moment des grandes crues de printemps, quand la neige fond et qu'il pleut beaucoup, certaines années, il menaçait de tout engloutir sur son passage.
"C'est une chose épouvantable et admirable à voir, des blocs énormes et en nombre considérable qui vont lentement, entraînés dans le milieu des eaux bourbeuses. Des pièces de bois avec tout leur branchage et leur souche et leurs nombreuses racines qui semblent avoir déserté des forêts. Ordinairement le passage du torrent dure trois heures entre Gièro et les Bonnafeys. Alors les habitants sont les uns d'un côté, les autres de l'autre, avec des crocs et des barres pour aider à l'écoulement et défendre leurs propriétés. Ils connaissent, ces voisins, quelques instants d'avance, à l'aspect de l'eau, que le torrent de l'Ascension va arriver. Cela ne les étonne guère, il ne vient régulièrement qu'une fois par an, on ne l'a jamais vu venir deux. Il est même arrivé ici deux années consécutives qu'il n'a pas paru du tout..."
C'est du moins ce que raconte le Curé Pascallon dans son "Registre de Paroisse" écrit de 1842 à 1849*.
On raconte qu'une année, "qu'on ne précise nullement, il paraît qu'elle est fort éloignée, le torrent de l'Ascension s'étant tout à coup montré formidable au point qu'il menaçait de tout engloutir sur son passage ce qu'il rencontrerait, tout le monde tremblait que la chapelle de Saint Roch ne fût enlevée. Déjà les eaux torrentielles se dirigeaient contre les murs lorsque tout à coup un rocher énorme apparaît dans le lointain, porté majestueusement sur les eaux, il vient se placer sur le bord du torrent, un peu au dessus de la chapelle comme un rempart solide, repousse les eaux de l'autre côté et la garantit d'être emportée. Cet énorme bloc de pierre presque aussi gros que la chapelle est encore à cette même place, on ne peut vraiment pas imaginer que les eaux puissent l'avoir amené de la montagne et fait passer entre les deux roches qui forment les bords du torrent à quelque distance au-dessus de la chapelle. Cependant ce bloc est là, à coté de la chapelle, les mains des hommes n'ont pu l'y placer, il faut donc que ce soit une force plus puissante que la force humaine qui l'ait planté à cet endroit, pour la défense de l'asile de la prière, car c'est un bloc exotique ..."
Et cet énorme bloc est toujours là. On l'appelle en patois, "le Ristouras", et tous les enfants de la Roche sont venus un jour ou l'autre (plutôt quand la neige a fondu) user leurs fonds de culottes sur sa paroi lisse et pentue, comme sur un toboggan !
Depuis le torrent de l'Ascension peut bien "se montrer formidable" (ce qui n'arrive pratiquement plus), notre chapelle Saint-Roch n'a rien à craindre, et continue à se dresser fièrement dans le hameau des Bonnafés...
Et si par hasard les voisins s'aperçoivent, à l'aspect de l'eau, que le torrent va arriver, ils peuvent toujours faire sonner la cloche et se réfugier dans la chapelle... En toute sécurité !
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- * "Le registre de paroisse 1848 - 1911" Edité par l'Association aux Editions du Fournel, novembre 2012, 230 p.
- L'Association Patrimoine de La Roche de Rame" :
- "Notre Ristouras" Bulletin trimestriel de l'Association Patrimoine de La Roche-de-Rame.