La première victime de la Grande Guerre...
Le clocher-mur de l'église Saint-Laurent de La Roche-de-Rame
Le 1er août 1914, c'était un samedi. Ce jour là, tout le monde était aux champs, en pleine moisson. Quand les cloches se sont mises à sonner, "on s'est tous demandé pourquoi elles sonnaient comme ça" raconte Emilie Carles dans "Une soupe aux herbes sauvages". "Tout le monde dans nos campagnes connait le son de la cloche. On se dit, tiens voilà un mariage, ou bien c'est un enterrement. [...] Mais ce jour-là, ça ne ressemblait à rien de tout ça. C'était autre chose. Peut-être un incendie ? Mais où ? Quel incendie pouvait déranger toutes les cloches en même temps ? Elles sonnaient les unes après les autres..."
Sur le clocher de l'église de La Roche-de-Rame, La grosse cloche pèse 458 kilogrammes. Elle fut ramenée de l’église de Rame en 1444 et offerte à la paroisse de Notre Dame de La Roche. Elle sonna elle aussi le tocsin avec force pour annoncer le début de la guerre et la mobilisation. Si fort qu'elle en fut fêlée...
Restaurée sous le ministère du curé PALLUEL, elle fut par la suite refondue par les frères Paccard d’Annecy le Vieux et reçut une dédicace qui dit :
« Je succède à ma sœur aînée dont la voix s’est brisée à sonner le ralliement pour la défense du pays le 1er août 1914 ».
"Elle fut livrée en 1928. Habillée de blanc elle fut posée sur un trépied devant l’autel de la Vierge. Sur sa tête une couronne de roses blanches. Une messe fut dite et avant l’offertoire, avec de l’eau bénie, Monseigneur BONNARDEL baptisa la cloche et tira sur le battant. A la sortie, sur le parvis de l’église, le parrain Victor FOURRAT et la marraine Jeanine FORGEREAIS lancèrent des dragées sur les fidèles." (source : Association Patrimoine de La Roche-de-Rame)
Sur la place de l'église, ce dimanche-là, on s'arrêta sans doute pour saluer les jeunes hommes (allusion au Chevalier Bayard !) morts sur les plaines d'Alsace, de la Somme, de Champagne, d'Artois, de Serbie, de Verdun... Pour cette maudite guerre, dont notre cloche fut la première victime, au village de La Roche-de-Rame, le 1er août 1914...
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II est amer et doux, pendant les nuits d'hiver,
D'écouter, près du feu qui palpite et qui fume,
Les souvenirs lointains lentement s'élever
Au bruit des carillons qui chantent dans la brume.
Bienheureuse la cloche au gosier vigoureux
Qui, malgré sa vieillesse, alerte et bien portante,
Jette fidèlement son cri religieux,
Ainsi qu'un vieux soldat qui veille sous la tente!
Moi, mon âme est fêlée, et lorsqu'en ses ennuis
Elle veut de ses chants peupler l'air froid des nuits,
II arrive souvent que sa voix affaiblie
Semble le râle épais d'un blessé qu'on oublie
Au bord d'un lac de sang, sous un grand tas de morts
Et qui meurt, sans bouger, dans d'immenses efforts.