Chapelle Saint-Etienne, fontaine et oratoire - Poligny (Champsaur)
Non loin de Poligny, village du Champsaur sur la route du col du Noyer, on découvre cette clairière à trois monuments. Sur ce site dit de saint Etienne, qui débouche d'une vaste forêt de feuillus et de conifères, se dressent une chapelle, un oratoire et une fontaine. Ce lieu est un lieu sacré depuis le VIème siècle. C'est là, au bord de la route romaine que fut construite la première et unique église du plateau de Poligny et du Noyer dédiée à Saint Etienne. La chapelle actuelle, vieille de deux ou trois siècles, aurait été élevée sur l’emplacement d’une ancienne église, en bordure de l’antique chemin. Il paraîtrait même qu’un ancien prieuré aurait existé à proximité. Un édifice y était déjà attesté en 1685 d’après l’inventaire des Monuments historiques. (source : Mémoire du Champsaur).
La chapelle, d’un ouvrage classique mais harmonieux avec son abside en cul de four, se dresse au centre d’un large espace inculte dit « Clots des Moures » (terrains des morts). Selon la légende, un laboureur, ayant, il y a fort longtemps, tenté de retourner ce terrain, aurait été éclaboussé par du sang ; nul par la suite ne renouvela cette expérience ; le nom même de l’espace confirmerait que chapelle ait été élevée en bordure d’un cimetière ou d’une ancienne nécropole. Des ossements y ont certainement été trouvés, ce qui a donné naissance à la légende du « sang ». On raconte qu'ici on enterrait les enfants morts-nés, non baptisés. (Mémoire du Champsaur).
On pensait que les petits enfants, morts sans baptême, étaient condamnés à errer dans les limbes. Après prières et supplications autour de l'autel, on guettait un pseudo retour à la vie de l'enfant et on le baptisait. Il était ensuite enterré près du lieu saint. Cette chapelle serait-elle donc, une "chapelle à répit" ? Il en existe une, la chapelle Saint-Jean, à L'Argentière-La Bessée où des sépultures de nouveaux-nés ont été retrouvés lors de fouilles récentes. Il y en aurait une autre à Ribiers, pour les Hautes-Alpes. A Pontis, situé dans le 04, mais traditionnellement haut-alpin, on trouve un oratoire dans la belle hêtraie à l'entrée du village, bâti sur les ruines d'une ancienne chapelle à répit. L'Eglise encouragea ces pratiques dès le Moyen-Âge, puis les toléra, pour enfin les condamner au XVIIIe siècle. Les derniers sanctuaires à répit cessèrent d’être fréquentés au lendemain de la Première Guerre Mondiale ! Il faut dire que longtemps, on considéra les enfants baptisés, morts avant l'âge de 7 ans, comme des saints, qui préparaient des places au paradis pour le reste de la famille...
L’édifice est surmonté d’un clocher mur, que l’on nomme en Champsaur, une « panelle » et dans laquelle est logée une cloche. On peut voir deux dates gravées sur la maçonnerie de la chapelle : 1856 et 1897, sans doute des dates de réfection...
L'oratoire dédié à Sainte Geneviève de Brabant.
En 1936, Antoine TAIX, un champsaurin qui avait émigré en Californie en 1852 et y avait fait fortune, fait ériger, à une cinquantaine de mètre de la Chapelle Saint Etienne, un oratoire en l’honneur de Geneviève de Brabant. Cet édifice en pierres de taille de style roman avec son agneau sculpté sur le tympan, est surmonté d’une statue de la Sainte tenant son fils (Drogan) tout près d’elle.
Geneviève de Brabant est une héroïne du Moyen-Âge, parfois considérée comme une sainte. Accusée d'adultère après le départ de son mari pour la croisade, elle fut confiée avec son enfant à des domestiques par l'intendant Golo qui avait tenté de la séduire, pour être mise à mort dans la forêt. Émus par sa grâce et sa maternité, les domestiques ne la tuèrent pas mais l'abandonnèrent dans la forêt. Elle réussit à survivre pendant des années grâce au lait d'une biche, qui prit Geneviève et son fils sous sa protection. Un jour, lors d’une chasse, son mari Siffroi parvint jusqu’à la grotte où vivait Geneviève. Devant le caractère miraculeux de cette rencontre, il comprit la vérité et fit exécuter son intendant Golo. Geneviève mourut d'épuisement peu de temps après.
Cette histoire inspira Jacques Offenbach (galop) et Erik Satie, qui composa une musique de scène pour un spectacle de lanterne magique : Trophonius et Geneviève de Brabant :
Erik Satie - Geneviève de Brabant (1/2)
En 1930, fut érigée sur la place, une belle fontaine au bassin circulaire surmontée d’un groupe d’angelots tenant un vase.
Ce groupe est signé Antoine Durenne (1822-1895), fondeur d'art de renommée internationale, à Sommevoire (Haute-marne).
Il réalisa des oeuvres en Pologne (Parc du château de Swierklaniec), à Paris, au Musée d'Orsay, à Toulouse (jardin du Grand Rond), en Espagne...
C'est la troisième oeuvre de ce fondeur que je rencontre dans les Hautes-Alpes... Antoine Durenne est aussi l'auteur de la République de Savines-le-Lac et du Monument aux Morts de la guerre de 1870, à Savines-le-Lac.
Les deux anges ne sont-ils pas un rappel de l'histoire de ce sanctuaire à répit ? Le lion, quant à lui, souvent représenté dans l'iconographie chrétienne, symbolise, avec les deux facettes de sa personnalité, la cruauté et la force protectrice. Il est le substitut de SaintMarc, symbole de la justice, très utilisé par les ordres de chevaliers et en héraldique.
Il est aussi l'image des "hommes de haute rang" et illustre, à travers les multiples décorations de jardins de somptueuses villas, la richesse des propriétaires, tel ce vase, porté par nos deux anges.
Pour conclure, une aquarelle d'Alexis Nouailhat, aquarelliste champsaurin : Les Forestons de Poligny
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