Le hameau de Gros d'Eygliers et sa chapelle Saint-Barthélémy (Guillestrois)
Eygliers, est un village à flanc de montagne en bordure du parc naturel régional du Queyras qui surplombe la confluence des rivières du Guil et de la Durance. De Eigleriis au XIIIe siècle, le thème aiga, désignant l'eau, semble être présent dans l'étymologie d'Eygliers. Eygliers se traduit Aigliers en Occitan Alpin. On peut cliquer sur toutes les photos pour les agrandir.
Au-dessus du village d'Eygliers on arrive après quelques kilomètres de lacets au hameau de Gros à une altitude de 1385m. Cette route surplombe les Gorges du Guil où passe le GR541 qui va rejoindre le GR 58 du Tour du Queyras.
Ce hameau semble être un lieu stratégique : Le Maréchal de Catinat y établit un camp de surveillance en 1692, pour surveiller les mouvements de l'armée du Duc de Savoie. Des troupes s'y installèrent au début de la Première guerre mondiale et des batteries y furent installées pendant la seconde guerre mondiale.
Quelques maisons posées autour d'une chapelle, la chapelle Saint Barthélémy.
Non datée avec précision, la chapelle est construite en pierres et en moellons couverts d'enduit, avec un toit à longs pans couvert de tôle ondulée et un clocher-mur à une cloche.
En façade, une porte et deux fenêtres avec une date gravée sur la poutre : 1975, date de sa restauration.
L'intérieur est remarquable par ses peintures murales dues à Bernard Masson Sam de Mont-Dauphin, datant de 1997.
Sur le mur de droite, le pastoralisme : un troupeau de brebis suivi par le berger et ses chiens marchent sur un sentier vers la profondeur d'un paysage de montagne, un torrent, des épis plantés et moissonnés, des fleurs...
Une armée d'anges tient à distance un diable cornu surgi des nuées.
Le berger et son troupeau, les chiens aux silhouettes longilignes semblent suivre une ligne de fuite dans la lumière du couchant...
Sur le mur de gauche, le labour : au premier plan, une femme qui pousse la charrue de labour tirée par un cheval blanc, le tout sous la protection d'un ange fantomatique...
Sur un fond de massifs aux pentes douces, falaises blanches, cône de déjection, cimes enneigées, pour illustrer les somptueux panoramas que le hameau offre au regard. Là aussi, silhouette longiligne de la femme en costume d'antan, qui suit à grands pas le cheval attelé à la charrue.
Au loin on devine le massif des Ecrins, le Pelvoux, simplement esquissés et semblant se confondre avec le ciel.
Bernard Masson Sam est peintre et sculpteur. Il est surtout connu pour ses peintures de cadrans solaires, à Arvieux, Eygliers, Guillestre, Les Vigneaux, Saint-Crépin.
Ici, à Saint-Crépin. (Cliquer sur l'image pour l'agrandir)
Au fond du choeur, un tableau représentant Saint-Barthélémy, un des douze apôtres de Jésus, juif de Galilée. Le nom Barthélémy est issu de "bar Tolmay" en araméen, nom qui pourrait signifier "fils de Ptolémée". Il aurait évangélisé l'Arabie, la perse et peut-être l'ouest de l'Inde en collaboration avec l'apôtre Thomas.
Il aurait été mis à mort à Albanopolis qui est soit la ville de petite Arménie, soit la ville de même nom située au sud de la chaîne du Caucase. Selon la légende dorée, il aurait été écorché vif, crucifié et décapité.
Barthélémy est souvent représenté avec le couteau qui servit à le dépecer. Il est le patron des bouchers, des tanneurs et des relieurs. il est fêté le 24 août par les Églises chrétiennes occidentales et le 25 août par les Églises chrétiennes d'orient. Ces deux dates correspondent vraisemblablement au transfert de ses reliques dans l'Île de Lipari en 580.
Dans notre chapelle du hameau de Gros, une messe est dite pour la fête du saint autour du 24 août.
La cloche
Une grande maison superbement restaurée par Michel, qui possède un four à pain, un montoir à récoltes et une grande écurie voûtée à un pilier, sur lequel est gravée la date de 1813.
Une des deux versions du film Poil de carotte de Julien Duvivier (1925 ?) aurait été tournée en partie dans ce hameau...
Un autre montoir à récoltes tout fleuri avec sa "demoiselle".
Un cadran solaire de L'Atelier Acacia de Mont-Dauphin. La devise : "Horologia mendaces arguit horas" "L'horloge dénonce les heures mensongères"
Cette devise est inspirée de celle des horlogers de Paris : "Solis mendaces arguit horas" " Elle (l'horloge) prouve que les heures du soleil sont menteuses."Le propriétaire de la maison, dont le père était horloger, a voulu rétablir la vérité : les heures mensongères sont celles de l'horloge, pas celles du soleil...
Sur la façade de l'ancienne maison J.Auvray (cadranier à Mont-Dauphin) on trouve ce cadran solaire avec sa méridienne.
Devise du lieu en patois local : "A Groess, minja quan poes, beiva quan voes"
"A Gros, on mange quand on peut, on boit quand on veut"
(Allusion à la source qui coule toute l'année).
La méridienne donne midi en heure moyenne à Gros : la tache lumineuse se superpose à la courbe en 8 à exactement 13h33m30s en été, et 12h33m30s en hiver. (Photo et texte : Michel Lalos)
On trouve une autre méridienne dans les Hautes-Alpes sur le mur de l'école de Serres, ICI.
Sur la façade de l'ancienne école, un cadran de l'Atelier acacias. La main qui tient le crayon pour rappeler que cette maison fut une école.
Emma, la propriétaire est née au Gros il y a 72 ans. Elle s'est assise sur les bancs de cette école où il n'y avait parfois que 3 élèves. Certaines années, l'hiver, on descendait à l'école d'Eygliers pour un regroupement. C'est l'âne qui servait d'attelage pour les enfants qui glissaient derrière lui dans l'ancien chemin muletier. Emma a quitté son hameau à 14 ans pour aller travailler à Marseille avec les Gavots (les charcutiers qui avaient fui la misère pour s'installer dans la cité phocéenne.) A la retraite, son mari a voulu revenir dans le hameau de Gros. Emma était réticente, elle n'avait pas que de bons souvenirs ici... elle pense à la vie qu'a eue sa mère : 9 enfants, une seule pièce chauffée, les durs travaux des champs, les bêtes, le foin, les lessives dans la fontaine, dans une eau à 6 ou 7°. Mais tout a changé dans ce village qui a compté jusqu'à 22 familles, le confort, l'électricité, l'eau courante sont arrivés jusqu'ici, même si le revers de la médaille fait un peu grincer : on ne fauche plus le beau foin et quand on le fait quand-même, on le laisse sur le champ... Aujourd'hui : 6 habitants à l'année, 3 gîtes et quelques habitants saisonniers...
La fontaine au champignon...Nous ne pouvons quitter le hameau de Gros sans évoquer la source de Gros, dont le débit approche les 300 l/s. Elle surgit en un lieu désertique, crée un petit marécage où des grenouilles, des papillons, des libellules s’ébattent. Puis elle descend en cascade vers le lieu de Pré Riont où autrefois, elle faisait tourner un moulin, dont il reste les meules. Aujourd’hui elle alimente la plupart des hameaux d’Eygliers, Eygliers et Mont-Dauphin. (Pays guillestrin). Cette source fut la richesse du hameau de Gros... On ne sait pas d'où elle vient, mais son débit et sa température sont constants toute l'année.
Nous irons visiter cette source, l'emplacement de l'ancien moulin et le hameau de Pré-Riont très bientôt...