la carrière de Combe-Mounière - Pra-Reboul (La Roche-de-Rame)
Quel peut bien être le lien entre ces deux images ? Une "ruche-informations" et la Cathédrale de Gap ?
La pierre rose des colonnes de la Cathédrale de Gap
La pierre rose de la carrière de Combe-Mounière à Pra-Reboul, hameau de La Roche-de-Rame.
A partir du hameau de Pra-Reboul, prendre le sentier qui conduit en 1 heure environ à la carrière. Ce sentier a été défriché en 1995 par des bénévoles de l'association Patrimoine Roche-de-Rame.
La vue sur la vallée de la Durance, ce matin-là, offrait un paysage à la lumière encore estompée de voiles de nuages qui s'accrochaient au relief.
Au XIXe siècle, quatre carrières de pierre de taille étaient exploitées le plus souvent par des travailleurs italiens qui en extrayaient la pierre rose appelée communément "marbre de Guillestre", en rapport avec la carrière la plus exploitée.
On est surpris de ne voir d'abord que de la roche grise : ce sont les intempéries qui sont la cause de ces dépots qui masquent la belle couleur rose qui fait le charme de ces pierres.
Une "ruche pédagogique" a été installée à l'entrée de la carrière, à l'initiative de l'Association Patrimoine de La Roche-de-Rame. Elle a été construite par Hubert Feuillet.
Elle est dotée de cinq panneaux explicatifs sous forme de tiroirs, qui renseignent sur l'histoire de la roche, le plan de la carrière et le circuit de la visite, les outils, les sites intéressants et l'histoire de la Cathédrale de Gap.
Une brève histoire de cette roche
Il s’agit de Malm roches du jurassique supérieur qui se sont formées vers 150 millions d’années lorsque les dépôts sédimentaires déposés au fond de la mer mésogéenne qui recouvrait la région des Alpes se sont transformés en roches sous l’effet de la pression. Les dépôts calcaires incorporent les coquilles d'ammonites, animaux indicateurs de pleine mer et des fossiles de bélemnites. Il s'agit de la bordure continentale d'un océan alpin en train de s'ouvrir. Des séismes interviennent et les bancs calcaires se brisent, alors que les niveaux argileux, dont la teinte est due à des oxydes de fer, s'insinuent entre les éléments calcaires. La surrection (élévation en altitude de roches qui constituent alors des montagnes) des Alpes, qui se poursuit encore aujourd'hui, a transporté ces roches bien au-dessus du niveau de la mer. L'érosion, principalement glaciaire, les a fait apparaître sur le flanc gauche de la vallée de la Durance et a permis leur exploitation.
Plan de la carrière
Un circuit qui reprend les sentiers utilisés pour l'exploitation et affiche des messages de prudence. Il est parfois difficile de cheminer dans les pierriers faits des chutes de taille de la pierre, qui donnent l'illusion que l'activité vient de s'arrêter et quelle va redémarrer...
Les sites présentant un intérêt particulier
Ils sont numérotés de 1 à 8 et offrent la possibilité de découvrir les témoins du travail des carriers et des tailleurs de pierre.
1- Fond de cabane
S'agissait-il d'un abri pour la nuit ou d'un petit atelier de taille ? 2,50 m x 2,70 m de dimensions intérieures, construite contre un rocher à l'abri du nord, était-elle couverte de branchages ou de chaume ?
2- Pierre taillée en claveau
Destinée à être incorporée à un arc clavé mais dont la taille a été interrompue par un accident de taille.
3- Bloc avec trace de trou de mine
Pour débiter les blocs, 3 hommes creusaient la pierre à l'aide d'une barre à mine et bourraient le trou de poudre noire qu'ils faisaient exploser.
4- Cabane dite La Forge
Mesurant 5,50 x 3,20 m, elle est construite entre deux parois rocheuses. Dans le sol, deux cuvettes rectangulaires semblent justifier l'existence d'une forge dans cette cabane, qui permettait de "reforger" les outils. On utilisait le charbon de la mine d'anthracite de Chanteloube (hameau de Saint-Crépin) qui était monté par des mulets. Quant à l'eau, le bois de feuillus sous la carrière signerait la présence de sources, mais rien n'a été retrouvé. Il se peut que l'eau ait été montée elle aussi dans des outres en peau de chèvre, à dos de mulets. L'eau qui avait refroidi les outils était censée guérir les verrues.
5 et 6- Zone de pierres avec empreintes de coins
Traces sensiblement horizontales des entailles des coins placés dans le lit du bans rocheux et traces verticales limitant la dimension des blocs à abattre.
7- Bloc préparé pour l'abattage
Alignement de 9 entailles de tailles différentes, logements de coins, soit métalliques, soit en bois que l'on mouillait.
8- Pierre équarrie avec parements layés
Pierre dont la taille semble terminée.
Sur le chemin du retour, on peut observer cette pierre taillée de forme cylindrique de 50 cm de diamètre, fût de colonne ? Pierre de moulin à plâtre ?
Deux catégories d'outils étaient utilisées :
Les outils qui servaient à dégrossir, en frappant directement le bloc, ce sont les pics, tétus, taillants ou laies, bouchardes.
Les outils frappés avec un percuteur permettant de tailler les formes, ciseaux, gradines, chasses, broches.
le transport des pierres jusqu'à la route se faisait sur des greppes (luges, lieyes) ou sur des rondins de bois tirés par un cheval ou par des mules. Pour limiter le risque de déversement de la charge , le sentier ou "traîne" était souvent bordé de lourdes pierres dressées à intervalles plus ou moins réguliers.
Puis on chargeait les pierres sur des haquets (fardiers) pour être acheminées sur les chantiers de construction, en particulier celui de la Cathédrale de Gap. A l'ouverture de la ligne de chemin de fer en 1884, les chargements furent emmenés jusqu'à la gare de Mont-Dauphin puis de La Roche-de-Rame.
Au début de la construction de la Cathédrale de Gap en 1866, Monsieur Caillat est Maître d'Oeuvre. Il a acheté le droit d'exploitation de la carrière communale de Pra-Reboul aux tailleurs de pierre italiens. C'est néanmoins la pierre du plateau de Salados, situé au-dessus du village de Chorges (Gapençais) qui est utilisée. Taillée dans des blocs erratiques, elle est rapidement insuffisante et on ferme la carrière.
M. Caillat, Maître-d'Oeuvre du chantier, devient vendeur des pierres de Pra-Reboul, dont il est propriétaire du droit d'exploitation. Les prix notés sur les factures font apparaître la pierre de Pra-Reboul plus chère. Le transport sur des traineaux puis des haquets jusqu'à la gare explique ce surcoût.
La cathédrale Saint-Arnoux de Gap, de style néo-gothique, a été édifiée de 1866 à 1904, pour remplacer la cathédrale médiévale qui tombait en ruine. L'architecture extérieure reprend les éléments du style lombard très répandu dans la région.
Elle est l'oeuvre de l'architecte Charles Laisné (1819-1891). D'inspiration médievalliste, il fut surtout restaurateur et architecte diocésain (il travailla notamment avec Viollet-le-Duc à la restauration de la cathédrale Saint Just de Narbonne). La particularité architecturale de la cathédrale de Gap est la polychromie obtenue par l'emploi de pierres de couleurs différentes.
La pierre de Pra-Reboul, utilisée dans les arcs, colonnes et piliers, travées, triforium, fenêtres, clocher et porche, fut déclarée par le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Cultes de l'époque : "...pouvant seule fournir une pierre rosée de qualité".
dans la région, on retrouve cette pierre rosée dans de nombreux détails de construction, comme ici sur le perron du "Château" de La Roche-de-Rame, actuellement en travaux.
Et sur le seuil de l'église du XVIe siècle de La Roche-de-Rame. Il semble en effet que la carrière ait été exploitée dès le Moyen-Âge...
Au bas de la ruche-pédagogique, W 2014 pour le ViVa et les signatures HF pour Hubert Feuillet, ébéniste et JF pour Jean Foucras qui a rédigé les commentaires de la ruche.
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Pour en savoir plus : (Allez vister la carrière !)
Le site de l'Association Patrimoine La Roche-de-Rame
Le site de La Sociéte géologique et minière du Briançonnais
Colloque de la société d'études des Hautes-Alpes (SEHA) du 13 avril 2013. Intervention de Jérome Nicauld , Professeur certifié en histoire-géographie, doctorant en histoire et archéologie, LARHRA, UMR 3190 du CNRS.
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