Le Pavillon de l'Horloge - Place forte de Mont-Dauphin
L'horloge Arsène Cretin-L'Ange du pavillon de l'horloge de la place forte de Mont-Dauphin, est un exemple rare d'une horloge mécanique ayant détrôné une horloge électronique...
Juillet 1692 : Durant la guerre de la Ligue d'Augsburg, le duc de Savoie Victor-Amédée II, après s'être joint aux Alliés (Angleterre, Autriche, Provinces Unies) prend Embrun, Guillestre et Gap, à la tête d'une armée de 45 000 hommes, dévastant tout sur son passage. Il a d'abord envahi le Queyras pour faire diversion. Seuls l'automne et la petite vérole feront faire demi-tour aux armées.
Mais Louis XIV est alerté, et constate que les montagnes des Alpes ne sont pas suffisantes pour arrêter une armée.
Vauban est alors dépêché pour renforcer la frontière, abandonnant la réfection de la fortification de Namur. Il choisit le plateau désert des Millaures (mille vents), à un carrefour stratégique de vallées commandant l'accès au Dauphiné, pour y construire une place forte qu'il nomme Mont-Dauphin en l'honneur du fils du roi.
« Je ne sais point de poste en Dauphiné, pas mesme en France, qui lui puisse être comparé pour l’utilité […]. C’est l’endroit de montagnes où il y a le plus de soleil et de terre cultivée, il y a même des vignes dans son territoire, des bois, de la pierre de taille, du tuf, excellent pour les voûtes, de la pierre ardoisine, de bon plâtre, de fort bonne chaux et tout cela dans la distance d’une lieue et demie, pas plus […]. Et quand Dieu l’aurait fait exprès, il ne pouvait estre mieux ».
Les travaux commencent au printemps 1693. Quand Vauban revient sept ans plus tard, les fortifications sont presque achevées.
Au Traité d'Utrecht en 1713, la frontière est modifiée entre la France et la Savoie et suit la crête des Alpes. Désormais Mont-Dauphin passe en deuxième ligne derrière les défenses de l’Ubaye et les travaux vont continuer à un rythme plus irrégulier. Mais le retour des tensions en Europe à partir de 1740 (guerre de succession d’Autriche 1740-1748 et la défaite du col de l’Assiette en 1747) donne un regain d’actualité aux places des Alpes.
Excepté deux bâtiments (une aile de l’arsenal et la maison de l’ingénieur en chef du génie) détruits par une bombe lâchée d’un avion italien en mai 1940, l’ensemble fortifié est tel que le XIXe siècle l’a laissé. Pendant la seconde guerre mondiale, la fortification de Vauban a donc démontré son inefficacité face aux moyens d’attaque moderne, en particulier l’aviation. Son déclassement militaire interviendra en 1965.
Prolongeant la porte de Briançon, ce bâtiment d’architecture classique abrite la résidence du gouverneur. Il est rehaussé d’une tour centrale d’abord colombier puis tour de l’horloge au XIXe siècle. On la voit ici avec son ancien cadran en tôle peinte sur une photo trouvée sur le site : http://monumentshistoriques.free.fr
C'est lui que nous allons visiter aujourd'hui avec l'aide d'Isabelle Fouilloy-Jullien, Administrateur du site de Mont-Dauphin pour le Centre des monuments nationaux, Dominique Dion, Horloger-Campaniste et Denis Vialette, Coordinateur du Projet "Horloges d'Altitude".
L'accès à l'horloge se fait par un escalier qui monte dans les combles.
Puis par cette petite échelle, jusqu' au beffroi avec sa cloche Gautier et Vallier... Nous admirerons au passage l'imposante charpente en mélèze...
Au premier niveau, derrière le cadran mural, voici l'horloge Arsène Cretin L'Ange , enfermée dans son armoire. Elle date probablement des années 1920.
Avec ses initiales AC sur les flancs, signature du fabricant. A Morbier, Jura.
Arsène Cretin-l'Ange était avec son frère à la tête d'une affaire fondée en 1830 par son père Germain Cretin-l'Ange.
Après la mort de son frère en 1875, l'association est dissoute et Arsène crée sa propre usine d'horlogerie en 1877, "que par son aptitude et son expérience, travaillant avec des ouvriers et un outillage exceptionnel, il a augmenté considérablement cette fabrication, qui aujourd'hui est une des premières de la localité" . D'après un Certificat non daté de S.Romanet, Maire de la commune de Morbier (Jura), Mentionnée à la fin du siècle comme "usine à vapeur éclairée à l'électricité", cette manufacture d'horloges monumentales est acquise en 1906 par Léon Labrosse. En 1934, les Ets Charles Peccaud deviennent propriétaires du bâtiment, qu'ils convertissent en usine de petites moteurs électriques et d'avertisseurs pneumatiques pour automobile.
La mécanique de l'horloge semble ne plus fonctionner depuis des années. Le bâti est recouvert de poussières et de détritus divers. Elle présente peu de traces d'usure.
Après dépose du balancier et quelques essais de l'échappement, le fonctionnement repart. A la levée manuelle des leviers de sonneries, le décompte se fait normalement. Ce diagnostic positif deDominique Dion sera suivi de sa restauration par un technicien de l'entreprise horlogère Bodet. Cette horloge se remit à fonctionner quelques semaines après notre visite. Elle est remontée une fois par semaine et devrait entrer dans le cadre des visites historiques du site, classé au Patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 2008.
Sur le cadran de contrôle : L'installateur, Mayet à Grenoble.
Un pilote électronique Tempus est fixé sur une porte latérale de l'armoire, il n'est pas à l'heure !
A l'étage supérieur, une cloche est installée sous la toiture du clocheton.
La cloche porte à l'épaule une inscription en relief "Mont-Dauphin Génie 1821".
Elle est décorée sur la jupe d'un Christ en Croix, signature des Gautier et Vallier, fondeurs de cloches à Plampinet (Vallée de la Clarée), d'angelots, ainsi que d'un blason avec trois feuilles de lys, et des frises avec motifs floraux et feuilles d'acanthe à la panse et sous le texte de l'épaule. Avec sa forme trapue rappelant un "braillard", la cloche est en bon état. Elle doit peser environ 150 kg et la sonnerie n'est pas désagréable, comme pourrait l'être celle d'un braillard, cloche dont la fonction purement laïque servait à alerter la population lors d’évènements propres à la ville : incendies, sièges… Il fallait donc que ces cloches aient un son (souvent aigu) que l'on puisse différencier des autres cloches religieuses.
En 1821, c'est Louis XVIII qui gouverne la France...
Il semble que quelques travaux de restauration et de sécurisation soient nécessaires pour la remise en service de l'horloge mécanique. Avec l'aide du Lycée, il faudra aussi trouver des "privilégiés" pour entretenir l'horloge et remonter les poids régulièrement. C'est une idée chère à Isabelle Fouilloy-Jullien pour valoriser ce Patrimoine. Une horloge mécanique en fonctionnement est source d'intérêt pour les amateurs visitant ce Patrimoine ancien et ne peut que les ravir.
L'ancien cadran est rangé dans une remise.
Avec sa signature "C Nortier Briançon", comme celui du Lycée d'Altitude de Briançon...
D'après une étude réalisée par Dominique Dion, Horloger-Campaniste, partenaire du Projet "Horloges d'Altitude".
Le livre écrit par Jean Vallier en 2009 aux Editions du Fournel, retrace l'histoire de ses ancêtres fondeurs de cloches à Plampinet, de 1630 à 1880.
Liens utiles :
L’actualité sur les sites UNESCO de Mont-Dauphin et Briançon
Le site du CMN : http://mont-dauphin.monuments-nationaux.fr